La qualité de la gestion du capital sanguin est insuffisante dans les services de chirurgie français

  • Résumé d’article
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À retenir

  • Une étude observationnelle nationale confirme que la gestion du capital sanguin (ou PBM pour Patient Blood Management) pourrait globalement être optimisée dans le cadre d’une chirurgie programmée, tant sur l’exploration de son étiologie que sur sa prise en charge : si le taux d'hémoglobine est mesuré en préopératoire, le bilan martial de l’anémie est moins souvent conduit et pas toujours complet.

  • Les anémies ne sont pas toujours traitées malgré une perte de sang significative prévue en opératoire. La prise en charge est hétérogène en fonction des spécialités. Si la voie IV est la plus efficace pour corriger rapidement une anémie par apport de fer, plus d’un patient sur 10 recevait ce traitement per os. Les patients anémiés qui avaient dû recevoir des transfusions rencontraient des complications plus fréquentes que les autres.

Pourquoi est-ce important ?

Les recommandations internationales insistent pour que l’évaluation du risque anémique soit systématiquement conduite avant une chirurgie programmée pouvant induire des saignements. Le PBM consiste à réaliser un bilan préalable chez le patient : lorsque son capital sanguin est inférieur aux pertes prévues durant l’opération, des traitements antianémiques peuvent être prescrits lors de la visite d'anesthésie préopératoire (supplémentation en fer et agent stimulant l'érythropoïèse [ASE]), et des agents antihémorragiques (acide tranexamique) peuvent être administrés juste avant et/ou pendant l'intervention. Le temps habituel pour traiter l'anémie et restaurer la masse des globules rouges est d'environ 3 à 4 semaines. La littérature rapporte cependant que le PBM est rarement conduit en pratique. Les données nationales étant rares sur le sujet, l’étude PERIOPES a été menée pour évaluer ces pratiques à l’échelle nationale et pour identifier des pistes d’amélioration.

Méthodologie

PERIOPES (Étude française des Pratiques et Évaluation des Résultats des Indicateurs de qualité des sOins Périopératoires dans le cadre d'un programme d'Epargne Sanguine) est une étude transversale multicentrique nationale qui a été menée entre juillet 2019 et décembre 2021. Chaque service participant recueillait les données des patients accueillis consécutivement pour différents types d'interventions chirurgicales programmées (orthopédique, viscérale, thoracique, cardiaque, neurochirurgicale, vasculaire, cardiovasculaire, urologique, gynécologique et obstétricale). Les données démographiques, le bilan pré-opératoire avec recherche d’une anémie et d’une carence martiale et les données périopératoires ont été analysées.

Principaux résultats

Au total, 26 services de chirurgie issus de 10 hôpitaux universitaires, 3 hôpitaux généraux et 3 établissements privés ont participé. Parmi eux, 5 avaient un programme de gestion du capital sanguin en place (4 en chirurgie orthopédique et 1 en chirurgie cardiaque).

Ils ont inclus un total de 2.345 patients, dont la majorité avaient une chirurgie orthopédique (51,3%), ou encore une chirurgie viscérale (12,0%) ou thoracique (8,5%) programmée.

Pour près de la moitié de la cohorte (46,8%), le délai entre la visite d'anesthésie préopératoire et l'intervention chirurgicale était inférieur à 21 jours, insuffisant pour traiter une éventuelle anémie; les délais médians en orthopédie et neurochirurgie étaient toutefois plus élevés (27 et 32 jours respectivement).

Dans 9 cas sur 10, le taux d'Hb était évalué lors de cette visite préopératoire, avec une grande variabilité selon les spécialités. Par ailleurs, le bilan complet (comportant ferritine et coefficient de saturation de la transferrine) n’était pas systématique. La chirurgie orthopédique était la spécialité dans laquelle ces bilans étaient les plus fréquents.

Au total, 34,2% des patients ont été diagnostiqués comme anémiques, et 30,1% ont reçu un traitement : le plus souvent, du fer IV seul (48,9%) ou en association avec un ASE (22,9%). L’acide tranexamique était le plus souvent utilisé en chirurgie orthopédique (84,9%), cardiaque (96,4%) et cardiovasculaire (98,8%).

Finalement, 479 transfusions de culots globulaires ont été réalisés en périopératoire chez 315 patients (1 ou 2 unités dans 53,2% et 37,2% des cas). Les sujets concernés ont eu une durée médiane d'hospitalisation et un taux de complications postopératoires plus élevés que les autres.