La prise en charge hospitalière des surdosages en AVK non conforme aux recommandations dans près de la moitié des cas

  • Oliosi E et al.
  • La Revue de Médecine Interne

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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À retenir

Une analyse des pratiques au sein de 3 hôpitaux d’Ile de France montre que la prise en charge des surdosages en AVK n’est pas conforme aux recommandations de la HAS dans près de la moitié des cas. Les erreurs portent principalement sur la non-suspension de l’AVK, un mauvais choix du traitement antagoniste ou une gestion inadaptée de la vitamine K. La surveillance est également inadaptée dans près de la moitié des cas. Par ailleurs, les erreurs semblent plus fréquentes lorsque les surdosages sont plus sévères. Ces résultats appellent à une formation continue des praticiens hospitaliers aux recommandations, et notamment au maniement de la vitamine K.

Pourquoi est-ce important ?

Les antivitamines K (AVK) constituent la première cause de iatrogénie médicamenteuse en France. Aussi la HAS et l’ANSM ont-elles émis des recommandations en 20081 et 20122 préconisant des actions correctives et de surveillance en cas de surdosage. Mais l’adhésion à ces recommandations n’avait encore jamais fait l’objet d’étude. Une équipe de l’hôpital de Bobigny s’y est employée et a évalué la conformité de la prise en charge hospitalière aux recommandations de 2008 au sein de 3 hôpitaux de Seine St-Denis.

Résultats

  • Au cours d’une période de trois mois d’observation, 173 INR supérieurs à 4 ont été recensés, dont 110 correspondaient à des événements de surdosage. Ces événements sont survenus chez 91 patients d’âge moyen 80 ans [28-101 ans], et avec un INR moyen de 5,77 (52% de femmes).
  • Les anticoagulants les plus prescrits étaient la fluindione (52%), la warfarine (36%) et l’acénocoumarol (12%). Ils étaient prescrits en prévention d’une maladie cardio-embolique dans les trois quarts des cas.
  • Une non adéquation aux recommandations a été relevée dans 42% des cas (46 événements de surdosage) : AVK non suspendus dans 15 cas, mauvais choix du traitement antagoniste dans 16 cas, dose (9 cas) et voie d’administration inadaptée (7 cas) de la vitamine K, et absence de prise en charge thérapeutique par l’équipe médicale (9 cas). Par ailleurs, l’INR n’a pas été contrôlé le lendemain dans 48 cas.
  • Le nombre d’erreurs de prise en charge semblait augmenter avec la sévérité des événements de surdosage, puisque seulement 33% des événements avec INR >6 ont été pris en charge conformément aux recommandations.
  • Pour ces cas sévères, les erreurs les plus fréquentes concernaient l’absence d’administration de vitamine K ou de PPSB (concentré de complexe prothrombinique) (50% des cas), une dose (45%) ou une voie d’administration (35%) inadaptées. Et l’INR n’a pas été contrôlé le lendemain dans 37% des cas.
  • Les auteurs relèvent aussi que, pour les surdosages modérés (INR entre 4 et 6), les AVK n’ont pas été suspendus dans plus de la moitié des cas et aucune mesure corrective n’a été prise dans 35% des cas.
  • Malgré ces erreurs de prise en charge, les taux de mortalité (20%) et d’hémorragie (12%) n’étaient pas significativement différents entre ceux dont la prise en charge avait été conforme aux recommandations et ceux pour qui elle ne l’avait pas été, peut-être du fait d’un manque de puissance de l’étude.

Méthodologie

Cette étude rétrospective multicentrique a été réalisée au sein des hôpitaux universitaires de Seine Saint-Denis (Avicenne, Jean-Verdier et René-Muret). Tous les cas d’INR>4 au cours de la période étudiée ont été recensés (septembre à novembre 2016). Leurs prescriptions étaient tracées quotidiennement à partir d’un logiciel dédié. L’épisode de surdosage était considéré comme pris en compte si l’INR avait été noté dans le compte rendu d’hospitalisation des patients ou s’il avait conduit à une modification des prescriptions informatisées.

 

1. HAS. Surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier. Recommandations, avril 2008. 

2. ANSM. Bon usage des médicaments antivitamine K. Juillet 2012.