La prise de décision médicale, bien au-delà des seules données cliniques
- Ghassemi MM et al.
- MIT News
- Agnès Lara
- Résumé d’article
À retenir
Les travaux du MIT réalisés à partir des données électroniques de patients admis en soins intensifs montrent que le sentiment ou la conviction des médecins quant à l’état de leur patient influe de façon significative sur le nombre d’examens d’imagerie diagnostique qu’ils prescrivent. Un sentiment positif est associé à un moindre recours à ces investigations, alors qu’un sentiment négatif est à l’inverse associé à un surcroît de prescription d’examens. Cette association est plus forte le premier jour du séjour en unité de soins intensifs et se réduit ensuite, lorsque les données cliniques deviennent plus nombreuses. L’existence d’un sentiment négatif est associée à une augmentation du recours à l’imagerie jusqu’à un certain seuil au-delà duquel il se réduit. Les auteurs expliquent ce phénomène par le fait qu’un sentiment très négatif anticipe probablement une évolution défavorable du patient qui rend les médecins plus réticents à la pratique d’examens complémentaires.
Selon les auteurs, cette analyse sur le sentiment des médecins reflète le jugement qui préside à la prise de décision, ce que ne font pas les données médicales classiques seules et pourrait expliquer la variabilité jusqu’ici inexpliquée du recours aux examens d’imagerie, et plus généralement aux ressources médicales. Ils suggèrent d’intégrer l’analyse des sentiments dans les outils d’aide à la décision, notamment ceux concernant le recours aux examens les plus coûteux.
Pourquoi cette étude a-t-elle été réalisée ?
A l’heure où les autorités de santé encouragent à l’optimisation des dépenses de santé, la rationalisation du recours à l’imagerie diagnostique a fait l’objet de plans successifs d’économies, et la pertinence des actes d’imagerie reste une question centrale pour éviter les examens inutiles ou redondants au cours du parcours de soins, ainsi que pour limiter les coûts associés. Le sentiment ou la conviction du prescripteur concernant l’état du patient pourrait expliquer la variabilité à leur recours. Des travaux originaux du MIT (Massachusetts Institute of Technology) se sont intéressés à la question. Ils ont pour cela eu recours à l’analyse des sentiments des prescripteurs, une approche qui a trouvé de nombreuses applications dans le domaine de la santé au cours de ces dernières années, et ont recherché une éventuelle association avec le recours à l’imagerie diagnostique pour les patients en soins intensifs.
Méthodologie
Les données médicales électroniques de plus de 50.000 patients du Beth Deaconess Medical Center de Boston ont été extraites de la base de données du MIT (MIMIC-III), entre 2001 et 2012. La polarité (positive ou négative) et l’amplitude (0 ou 1) des sentiments étaient analysées à partir des mots utilisés dans les notes des prescripteurs (texte libre), grâce à l’outil SentiWordNet. L’association entre les sentiments du prescripteur et le nombre total d’examens d’imagerie diagnostique par patient au cours des 5 premiers jours en unité de soins intensifs (USI) a ensuite été recherchée.
Tous les paramètres susceptibles d’interférer dans cette relation ont été pris en compte : âge du patient, sexe, origine ethnique, score SOFA (insuffisance d’organe), index de comorbidité d’Elixhauser, score OASIS (sévérité de la pathologie), obésité, statut VIH, diagnostic de cancer métastatique, diabète et type d’USI.
Résultats
- Le nombre d’examens d’imagerie diminuait lorsque les sentiments positifs augmentaient. Et inversement, plus les sentiments étaient négatifs, plus le nombre d’examens augmentait, mais jusqu’à un certain point au-delà duquel il se réduisait.
- Une augmentation de 1% des sentiments positifs était associée à une réduction de 4% du taux d’examens journaliers, alors qu’une augmentation de 1% des sentiments négatifs était associée à une augmentation de 1%. Ces associations perduraient de façon significative même après ajustement sur les facteurs confondants.
- L’analyse en fonction de la durée du séjour en USI montrait que l’association était plus forte au cours du premier jour et diminuait ensuite. Elle n’était plus significative aux 4e et 5e jours. Cela signifie probablement que les prescripteurs s’appuient davantage sur leur sentiments/convictions personnelles au cours des premiers jours, lorsque peu de d’informations cliniques sont encore disponibles.
Limitations
L’outil SentiWordNet n’est pas configuré pour prendre en compte la terminologie liée au champ médical et pathologique, ni la complexité des notes des prescripteurs.
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