La lutte contre le sida sous la menace du réchauffement
- Romain Loury
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales de MediQuality
Le changement climatique pourrait favoriser l’épidémie mondiale de sida, particulièrement en Afrique subsaharienne. De quoi compromettre l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), qui prévoient de mettre fin à l’épidémie d’ici à 2030.
Aspect longtemps négligé de la lutte contre le changement climatique, les effets sanitaires du réchauffement sont pléthore. Outre la mortalité liée aux vagues de chaleur et aux catastrophes naturelles, il pourrait favoriser la malnutrition (en raison d'une baisse de la production agricole), les problèmes de santé mentale, mais aussi diverses maladies infectieuses. Parmi elles, celles de nature vectorielle, ainsi que celles liées à l'eau ou aux aliments.
Source d'insécurité alimentaire et de précarité financière, le réchauffement pourrait aussi avoir des effets délétères sur l'épidémie de sida dans les pays du Sud (1). Un phénomène dont l'Onusida, organisme onusien chargé de la lutte mondiale contre le sida, s'est inquiété dès 2008. Dans un rapport (2), il met en garde contre la synergie des deux crises, sanitaire et climatique, qui pourrait être particulièrement ravageuse en Afrique (où résident 67% des personnes VIH+) et en Asie du sud-est, deux zones très vulnérables au réchauffement.
Depuis ce rapport demeuré sans écho, de nouveaux travaux sont venus confirmer la menace climatique qui pèse sur la lutte contre le sida. Publiée en mai 2014, une étude américaine menée dans 19 pays africains a révélé qu'une exposition récente à la sécheresse est liée à une hausse de 11% du risque d'infection par le VIH dans les zones rurales. En janvier 2019, une autre étude a même révélé une hausse de 80% chez les jeunes femmes du Lesotho ayant connu un épisode de sécheresse (3).
Voués à devenir plus fréquents et plus intenses, les épisodes de sécheresse ne sont pas la seule menace climatique qui pèse sur l'épidémie de sida. Dans une étude publiée en septembre, Jason Nagata, du département de pédiatrie de l'université de Californie (San Francisco), et ses collègues montrent l'impact similaire des précipitations extrêmes et des inondations (4). Menées sur les données démographiques 2005-2017 de 21 pays d'Afrique subsaharienne, pour un total de 288.333 personnes, elle montre que chaque année d'exposition aux inondations accroît de 14% le risque d'infection par le VIH. Idem pour le risque d'infection sexuellement transmissible (risque augmenté de 11% pour toute année d'inondation) ainsi que pour le nombre de partenaires sexuels.
Déjà suggérés lors des études sur la sécheresse, plusieurs mécanismes semblent en cause dans l'association entre inondations et risque d'infection par le VIH. « Les inondations anéantissent la production agricole, et l'insécurité alimentaire est associée à une hausse du risque sexuel par la prostitution, et à la difficulté de négocier des rapports protégés », expliquent les chercheurs. Une hypothèse confortée par le fait que l'effet des inondations est plus marqué dans les zones rurales (+25% de risque VIH par année de précipitations extrêmes), où l'alimentation est plus souvent locale.
Ces évènements climatiques pourraient aussi favoriser l'exode rural. Une fois en ville, les réfugiés climatiques sont plongés dans une précarité propice à l'infection par le VIH, via la prostitution ou l'usage de drogues. Enfin, les inondations pourraient couper l'accès aux soins des populations (routes coupées, hôpitaux endommagés, etc.), et donc réduire celui au dépistage et au traitement. En 2008, l'Onusida s'inquiétait d'un autre risque : le réchauffement, nouvelle priorité géopolitique, pourrait reléguer la santé mondiale au second plan, au risque d'assécher les financements consacrés à la lutte contre le sida.
Cet article a été écrit par Romain Loury et initialement publié sur MediQuality.
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