La lente progression des coopérations interprofessionnelles

  • Serge Cannasse
  • Editorial
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Deux actualités du mois d’octobre 2022 constituent des signes patents de la profonde évolution qui est en cours dans les soins primaires et par conséquent, du système de santé dans son ensemble. La première est l’annonce d’un accord entre les ordres professionnels sur « le partage d’actes et d’activités » afin de développer « l’exercice coordonné ». Ce partage peut aller jusqu’à favoriser l’entrée du patient dans le système par un professionnel non médecin (en pratique, infirmier ou masseur-kinésithérapeute), chargé d’une mission d’orientation, du moins dans les territoires où l’accès à un médecin traitant est problématique. Comme l’explique son nouveau président, François Arnault, c’est la première fois que l’Ordre des médecins accepte le transfert d’actes vers d’autres professionnels de santé. Pour mémoire, le rapport Berland sur les transferts de tâches a vingt ans …

Une implication peu soulignée de cet accord est qu’en principe, ce transfert doit se faire selon un protocole élaboré par les parties prenantes, ce qui signifie que sur un même territoire, les professionnels de différentes disciplines discutent entre eux. De ce point de vue, si le mouvement de coopération interprofessionnelle est certes bien engagé, il reste du chemin à faire.

Il faut une nouvelle fois souligner que ce chemin est d’abord tracé, depuis longtemps, par des acteurs de terrain, pionniers dont les propositions d’abord critiquées, voire raillées, ont été progressivement reprises par leurs organisations professionnelles et les pouvoirs publics. Au départ, l’objectif était d’améliorer la qualité des soins en promouvant une prise en charge globale des patients au plus près de leurs besoins, ce qu’aucun métier ne peut prétendre faire à lui seul. Aujourd’hui, il s’agit plus prosaïquement d’accès aux soins, et même d’accès à ceux délivrés par les généralistes puisque l’objectif affiché est de « libérer du temps médical. » Par bonheur, les deux objectifs ne sont pas contradictoires, bien au contraire.

La seconde actualité est la publication par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) d’un travail sur les modes d’exercice des médecins généralistes libéraux. Il conforte l’évolution des pratiques vers une plus grande coopération entre professionnels, même si elle est encore loin d’être majoritaire : augmentation du nombre de cabinets pluriprofessionnels et des maisons de santé pluridisciplinaires. Cette évolution est largement le fait des générations les plus jeunes, ce qui en assure vraisemblablement la solidité.

Cela étant, si le chemin est bien entamé, sa direction reste incertaine. Quid de l’engouement supposé des jeunes pour le salariat ? Quid de véritables politiques de prévention, aux échelles nationales comme territoriales ? Quid du travail avec le secteur médico-social, qui serait sans doute un des leviers les plus puissants pour lutter contre les inégalités de santé ? De nombreux observateurs déplorent l’absence d’une véritable politique de santé publique. Encore faut-il la concevoir ! Est-ce le seul travail des autorités de santé et des experts ou là aussi, n’y aurait-il pas intérêt à être attentif aux propositions des acteurs de terrain ?