La kétamine, une alternative thérapeutique possible à l’électroconvulsivothérapie dans la dépression résistante ?
- Agnès Lara
- Résumé d’article
À retenir
- Selon cet essai randomisé mené sur 5 centres américains, la kétamine à dose sous-anesthésique est non inférieure à l’électroconvulsivothérapie (ECT) dans le traitement des dépressions majeures résistantes non psychotiques.
- La baisse des performances mémorielles est apparue plus importante chez les patients ayant reçu une ECT par rapport à ceux ayant reçu de la kétamine.
- La qualité de vie des patients était améliorée de façon similaire dans les deux groupes.
Pourquoi est-ce important ?
Avec 80 ans de recul, l’ECT (anciennement sismothérapie) apparaît comme l’un des traitements les plus rapides et efficaces des dépressions majeures résistantes. L’optimisation des techniques d’anesthésie et de stimulation permet aujourd’hui de la pratiquer en ambulatoire, mais la technique reste sous-utilisée en raison des craintes qu’elle suscite concernant notamment de possibles pertes de mémoire. La kétamine est un antagoniste du récepteur NMDA qui dispose en France d’une AMM dans les anesthésies générales. Un effet antidépresseur rapide a été observé depuis une vingtaine d’années dans les dépressions majeures résistantes sans événements psychotiques, avec des doses sous-anesthésiques (0,5 mg/kg de poids corporel). Parce qu’elle ne nécessite pas d’anesthésie et n’entraîne pas de pertes de mémoire, elle rencontre un vif succès auprès des patients et son usage est de plus en plus fréquent dans le traitement de la dépression résistante. Restait à démontrer sa non infériorité par rapport à l’ECT, ce que vient de faire une équipe américaine du Brigham Hospital et de la Harvard Medical School (Boston).
Méthodologie
Cet essai prospectif de non-infériorité a été réalisé en ouvert chez des patients adressés à 5 cliniques ou hôpitaux américains, afin de recevoir une ECT pour traiter une dépression résistante sans psychose. Les sujets étaient randomisés pour recevoir de la kétamine 2 fois par semaine par voie IV à dose subanesthésique (0,5 mg/kg de poids corporel sur 40 minutes), ou une électroconvulsivothérapie (ECT) 3 fois par semaine durant 3 semaines.
Le critère principal était la réponse au traitement. Les patients étaient considérés comme répondeurs s’ils présentaient une réduction d’au moins 50% de leur score initial au Quick Inventory of Depressive Symptomatology-Self-Report à 16 items (QIDS-SR-16, score de 0 à 27, 27 étant attribué aux cas les plus sévères). Les critères secondaires incluaient les scores aux tests de mémoire et de qualité de vie rapportés par les patients.
Principaux résultats
L’étude a ainsi randomisé 403 patients, 200 dans le groupe kétamine et 203 dans le groupe ECT, et le traitement a pu être administré à 365 patients, 195 dans le groupe kétamine et 170 dans le groupe ECT. Dans cette population en intention de traiter, l’âge moyen était de 46 ans, 51% des participants étaient des femmes et la très grande majorité (89%) n’était pas hospitalisée lors de la randomisation.
Au bout de 3 semaines de traitement, 55,4% des patients étaient jugés répondeurs d’après le score QIDS-SR-16 dans le groupe kétamine et 41,2% dans le groupe ECT, soit une différence significative de 14,2 points de pourcentage (p<0,001) en faveur de la non infériorité de la kétamine par rapport à l’ECT. Une rémission selon ce même score était obtenue chez 32% des patients du groupe Kétamine et 20% de ceux du groupe ECT.
Les performances de mémoires étaient inférieures dans le groupe ECT par rapport au groupe kétamine selon le score Global Self-Evaluation of Memory (GSE-My : 3,2 vs 4,2) et moins de patients se plaignaient de troubles cognitifs dans le groupe kétamine selon le Squire Memory Complaint Questionnaire (SMCQ). Le retard de rappel mnésique était également plus important dans le groupe ECT selon le score Hopkins Verbal Learning Test-Revised (HVLT-R : -9,7 ±1,2 vs -0,9 ±1,1).
Quant à l’amélioration de la qualité de vie rapportée par les patients (16-items Quality-of-Life Scale), elle était similaire dans les deux groupes, le nombre de sessions de traitement étant équivalent par ailleurs.
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