La « Grande Sécu » : une Sécu étatique ?
- Serge Cannasse
- Editorial
Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) devrait remettre début décembre un rapport sur la prise en charge des dépenses de santé, initialement prévu pour le premier semestre 2021. Le texte est actuellement en discussion, mais sa première mouture a fuité dans la presse généraliste. Parmi les propositions de réforme que le Conseil avance, le ministre de la santé aurait déjà annoncé sa préférence pour l’intégration des garanties offertes par les complémentaires dans la couverture de base en matière de santé, projet connu sous le nom impropre de « Grande Sécu ». C’est une option que l’institution avait déjà annoncée, avec quatre autres, dans un document de travail publié en janvier 2021. En juillet, la Cour des comptes s’était elle aussi prononcée en faveur d’une refonte profonde du système hybride français de double couverture publique/privée. C’est évidemment le choix supposé du ministre qui a mis en avant un débat sur le bien fondé et les modalités de cette réforme, débat ancien, mais jusqu’alors peu médiatisé.
Les défenseurs du système actuel avancent deux arguments principaux. D’une part, ils estiment que c’est grâce à lui que le reste à charge moyen des ménages français est un des plus faibles des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, qui regroupe la plupart des pays riches). D’autre part, ils soulignent la capacité d’innovation et d’adaptation des complémentaires, atout majeur pour les évolutions inéluctables des besoins et de leurs réponses. Ils ajoutent que la diminution de leur périmètre mettrait en danger les centres de santé qu’ils financent et pourrait aboutir au licenciement de nombreux salariés.
Les détracteurs du système dénoncent sa complexité, de nombreux soins passant par un double circuit de remboursement, et son coût, notamment en ce qui concerne les frais de gestion des complémentaires, disproportionnés par rapport à ceux de l’assurance maladie. Ils soulignent que malgré les mesures prises ces dernières années, le système est inégalitaire : 4% de la population n’a pas de complémentaire, dont 10% des plus pauvres et 13% des chômeurs ; les actifs sont mieux protégés que les autres, notamment les retraités, à un coût moindre pour eux. Enfin, le système favorise les dépassements d’honoraires.
Le débat est ici résumé trop brièvement. Il appelle deux remarques. La première est qu’il devrait être beaucoup plus large, portant aussi sur l’organisation des soins, sur la prévention, le rôle des acteurs locaux, le contenu du panier de soins, etc. La seconde est que sa toile de fond, c’est le rôle de l’État, qui s’est considérablement accru depuis la création de la Sécurité sociale. La santé représente à peu près un tiers des dépenses de celle-ci. Les retraites la moitié. Deux chantiers dont le pilotage incite à la simplification et à la centralisation.
À juste raison ? C’est bien le fond du problème. Pour ses créateurs, la « Sécu » devait être gérée par les « partenaires sociaux », à l’époque les syndicats salariés et patronaux. Les cotisations étaient la garantie qu’elle appartenait aux travailleurs et aux patrons. Aujourd’hui, l’accent est mis sur les citoyens, mais la question du contrôle démocratique de la protection sociale demeure. Le vote des lois de financement de la Sécurité sociale par le Parlement, élu, ne la règle pas. Il témoigne surtout d’une étatisation croissante, qu’on la souhaite ou qu’on la redoute. Les défenseurs des mutuelles ne manquent d’ailleurs pas de noter le risque pour les médecins de ne plus avoir affaire qu’à un seul interlocuteur.
Serge Cannasse, journaliste médical.
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