La fragilité, un modulateur de l’expression clinique de la maladie d’Alzheimer
- Wallace LMK & al.
- Lancet Neurol
- Agnès Lara
- Résumé d’articles
À retenir
Selon une étude de cohorte américaine, au même âge, le niveau de fragilité modifie l’association entre lésions neuropathologiques (MA) et démence d’Alzheimer et jouerait donc un rôle clé dans l’histoire naturelle de la maladie. Ainsi, plus les patients sont fragiles, et plus leur risque de développer une démence liée à la MA est élevé pour une charge lésionnelle donnée (et inversement). Ou autrement dit, la fragilité agirait en diminuant le seuil à partir duquel des lésions neuropathologiques induisent une expression clinique de la maladie. Des résultats confirmés par le fait que l’inclusion de la fragilité dans le modèle statistique renforçait l’association entre expression clinique d’une démence et charge lésionnelle, probablement parce la fragilité prend en compte de nombreux facteurs de risque de démence présents chez le sujet âgé. Ces résultats suggèrent que la MA serait une maladie complexe liée à l’âge faisant intervenir de multiples facteurs, plutôt qu’une seule et même entité pathologique liée à l’expression de gènes ou à l’accumulation de protéines anormales, ce qui ouvrent de nouvelles opportunités d’interventions précoces pour prévenir le développement des démences liées à la MA.
Pourquoi cette étude a-t-elle été réalisée ?
Il n’existe pas de corrélation claire entre l’expression d’une démence clinique (déclin cognitif et fonctionnel) et les lésions neuropathologiques (enchevêtrements neurofibrillaires, plaques amyloïdes) observées à l’autopsie. Ainsi, pour un même niveau de charge lésionnelle, certains sujets sont plus vulnérables que d’autres à l’expression clinique de la maladie, les plus âgés, ou ceux qui présentent davantage de comorbidités par exemple. Fragilité et MA partageant plusieurs facteurs de risque (âge, inflammation, troubles fonctionnels, etc.), une équipe américaine a fait l’hypothèse que le niveau de fragilité pourrait moduler le degré d’expression clinique de la MA en jouant sur la réserve physiologique.
Méthodologie
La cohorte américaine Rush Memory and Aging Project a enrôlé des sujets retraités âgés sans démence connue à l’inclusion qui ont ensuite été suivis durant 21 ans, avec une évaluation neuropsychologique annuelle à domicile et une autopsie réalisée après le décès. Lors de chaque évaluation, la fragilité était estimée à partir des données cliniques et de l’indice de fragilité à 41 items. L’objectif était d’identifier les facteurs associés au maintien des capacités cognitives malgré l’accumulation de lésions neuropathologiques.
Résultats
- Parmi les sujets décédés et chez qui il a été possible de réaliser une autopsie, 456 (âge moyen lors du décès 89,7 ans, 69% de femmes) disposaient d’informations suffisantes sur la fragilité pour être inclus, avec un indice de fragilité médian de 0,41.
- 53% d’entre eux avaient reçu un diagnostic de démence Alzheimer possible ou probable lors de leur dernière évaluation clinique et avaient des lésions neurodégénératives caractéristiques de la MA.
- Après ajustement sur l’âge, le sexe et le niveau d’éducation, la fragilité et la présence de lésions neurodégénératives caractéristiques étaient toutes deux indépendamment associées à l’expression clinique de la maladie d’Alzheimer (démence), avec des odds ratio respectifs de 1,76 [1,54-2,02] et de 4,81 [3,31-7,01], (p<0,001 pour les deux). Et lorsque la fragilité était ajoutée au modèle des lésions neurodégénératives, la concordance avec la démence était améliorée. Une interaction significative était observée entre indice de fragilité et la charge des lésions neuropathologiques (odds ratio 0,73 [0,57-0,94], pinteraction=0,015).
- L’indice de fragilité moyen le plus élevé était observé chez les sujets qui exprimaient une démence et une faible charge lésionnelle. Et inversement, chez les sujets qui avaient la charge lésionnelle la plus faible, les démences étaient plus fréquentes chez ceux qui avaient le niveau de fragilité le plus élevé par rapport à ceux dont le niveau était le plus bas (69% vs 5%).
- Selon les résultats d’autopsie, 8% présentaient une charge lésionnelle importante sans qu’une démence ait été diagnostiquée à la dernière visite et 11% exprimaient une démence liée à la MA, alors que leur charge de lésions neuropathologiques était basse. In fine, dans un cas sur 6 le lien entre atteinte neuropathologique et démence était faible, notamment lorsque le niveau de fragilité était élevé, signifiant que les sujets les moins fragiles avaient une meilleure tolérance à la présence de lésions neurodégénératives, et inversement.
Limitations
Analyse transversale des données au moment du décès.
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