La dépendance comportementale, ennemi de la réussite du sevrage tabagique
- Caroline Guignot
- Résumé d’article
À retenir
Un sevrage tabagique envisagé uniquement sous l’angle d’une substitution nicotinique conduit souvent à un échec. La dépendance comportementale, qui comporte trois aspects – moteur, cognitif, émotionnel- ne doit pas être oubliée. Une analyse fonctionnelle permettant de mieux comprendre les habitudes encadrant l’usage du tabac peut apporter des éléments clés pour engager une stratégie individuelle d’accompagnement à l’arrêt. La généralisation de telles approches peut améliorer les chiffres de la France en matière de prévalence du tabac.
De la dépendance à la nicotine à celle au tabac
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Le tabac possède un pouvoir addictif fort lié à l’augmentation puis à la disparition rapide du taux de nicotine au niveau des récepteurs cholinergiques. À ce titre, la e-cigarette et, dans une moindre mesure, les comprimés de nicotine, peuvent aussi engendrer une dépendance pharmacologique.
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Sur le plan biologique, la nicotine agit comme neurotransmetteur local favorisant le plaisir immédiat (dopamine) mais agit probablement aussi dans la neuromodulation du glutamate (stimulation) et du GABA (anxiolyse).
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La fréquence des échecs liés aux substituts nicotiniques constitue une démonstration de la co-existence d’une dépendance comportementale, liée aux gestes, aux pensées et aux émotions.
Comprendre la dépendance comportementale
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Parce que la dépendance au tabac résulte d’un conditionnement, il est nécessaire d’en comprendre les mécanismes et de le remplacer par un nouveau conditionnement (ou apprentissage).
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Le conditionnement, tel que décrit par Pavlov, correspond à un apprentissage associatif dans lequel une situation (réveil matinal, pause café…) déclenche la consommation d’une cigarette.
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Les approches d’exposition avec prévention de la réponse (EPR) qui sont utilisés dans le traitement des TOC, par exemple, peuvent être intéressantes dans la prise en charge de l’addiction au tabac. L’idée est par exemple de modifier les conditions du facteur déclencheur (lieu, organisation, …) et de remplacer la réponse (tabac) par une autre consommation (verre d’eau, chocolat…) ou par la planification d’une activité.
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Le renforcement du conditionnement opérant a été décrit par Skinner. Il explique que si la récompense liée à une circonstance donnée est obtenue à plusieurs reprises, le conditionnement est établi et renforcé.
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La cigarette électronique ne suffit pas à soulager la dépendance comportementale, car le geste de fumer n’est que le vecteur de gestion de la recherche de plaisir immédiat ou de la diminution du stress ou de l’ennui par exemple…
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Le coping, qui est une approche permettant de «faire face» en maîtrisant la gestion de la recherche de plaisir ou la diminution du stress ou de l’ennui par le développement de compétences adaptées, peut être utile face à la dépendance au tabac.
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Le modèle de Bandura est celui par lequel, par mimétisme, nous reproduisons les attitudes ou les comportements de notre entourage ou de ceux que l’on considère comme des modèles. La lutte contre l’image occupée par le tabac (publicité, paquet neutre…) dans notre société est importance à ce titre.
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Le modèle du discours intérieur, issu du domaine des thérapies cognitives, se concentre sur le flot de pensées immédiates, automatiques ou fugaces renforçant la consommation (« ce n’est pas si grave », « cela va me détendre » ...). Afin de les contrer, le sujet doit d’abord apprendre à les identifier et à comprendre leurs circonstances de survenue afin de déconstruire ces associations en y associant d’autres pensées alternatives (« cette cigarette n’arrangera rien »…).
Quelques conseils pratiques
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L’analyse fonctionnelle doit permettre de repérer les circonstances déclenchantes et de comprendre son discours interne. La prise en charge d’un sujet motivé par l’arrêt du tabac doit reposer sur une stratégie efficace associant la substitution, des motivations d’arrêt et une stratégie permettant de remplacer les conditionnements liés au tabac à de nouveaux conditionnements. La psychoéducation associée identifie les compétences et les savoirs permettant de gérer le plaisir, l’ennui ou le stress...
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Les auteurs résument la nécessité d’éviter ou modifier les circonstances déclenchantes, de développer un comportement alternatif faisant intervenir d’autres plaisirs (immédiats ou non), d’apprendre à gérer l’ennui, le stress et son niveau émotionnel et de se récompenser immédiatement lorsque son objectif est atteint.
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