La contribution essentielle du système nerveux au développement tumoral

  • Mauffrey P & al.
  • Nature

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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À retenir

Une équipe française montre que des progéniteurs neuronaux exprimant la doublecortine (DCX+) migrent depuis le cerveau (zone sous-ventriculaire) vers les sites tumoraux, s’y s’infiltrent et donnent naissance à des néoneurones adrénergiques. Ces neurones apparaissent indispensables aux développement des tumeurs et la formation de métastases. Des résultats qui témoignent de la capacité des cellules tumorales à communiquer avec un organe distant, en l’occurrence le cerveau, pour recruter des cellules indispensables à leur développement. Ils ouvrent des perspectives de traitement inédites.

 

Pour se développer, les tumeurs requièrent la mise en place d’un micro-environnement nerveux, immun et vasculaire. Il a été observé que de jeunes fibres nerveuses infiltrent différents types de tumeurs solides (prostate, estomac, sein, pancréas, etc.) et peuvent s’y développer. Dans le cancer de la prostate par exemple, de jeunes fibres nerveuses autonomes formées au sein de la tumeur sont indispensables au développement et à la dissémination de métastases à distance. Or, chez l’adulte, seules deux zones germinatives possèdent des cellules souches capables de neurogenèse : la zone sous-ventriculaire (ZSV) et le gyrus denté de l’hippocampe. Dès lors, comment de nouvelles fibres nerveuses pourraient-elles se former au sein des tumeurs ? C’est le mystère que viennent de dévoiler des chercheurs de l’Inserm, du CEA, de l’Université Paris Diderot et de Paris Saclay.

Des progéniteurs neuronaux au sein des lésions prostatiques

À partir de l’étude de 52 tumeurs de la prostate, les chercheurs ont tout d’abord observé que des cellules porteuses de marqueurs spécifiques de progéniteurs neuronaux (DCX+) étaient présentes au sein des tissus tumoraux et qu’elles étaient plus nombreuses chez les patients dont les tumeurs prostatiques étaient les plus agressives. Pour comprendre leur origine, ils ont alors suivi et caractérisé ces progéniteurs DCX+ dans un modèle de souris transgéniques avec tumeurs prostatiques. Ceux-ci étaient absents des tissus prostatiques sains mais présents au sein des tumeurs. Ils exprimaient les mêmes marqueurs que les progéniteurs présents dans les zones germinatives cérébrales et étaient capables de se différencier en neurones adrénergiques et d’émettre des projections axonales.

Du cerveau vers le site tumoral 

En traçant plus finement ces progéniteurs neuronaux, les chercheurs ont mis en évidence qu’ils étaient détournés de la ZSV au cours du développement du cancer et qu’ils migraient vers les sites tumoraux via la circulation sanguine pour y initier la formation de nouveaux neurones et ainsi stimuler la croissance tumorale et la formation de métastases. Cette migration des progéniteurs depuis la ZSV était associée à une augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique dans cette zone chez les souris cancéreuses, mais pas au niveau du gyrus denté de l’hippocampe, ni chez les souris saines. Selon les chercheurs, c’est probablement la capacité des néoneurones adrénergiques à réguler le système vasculaire qui contribuerait au développement tumoral, même si ce point reste encore à démontrer. Ces résultats laissent entrevoir de nouvelles voies thérapeutiques et posent notamment la question de l’intérêt des bêtabloquants dans le traitement du cancer.