La colère des syndicats médicaux

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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En proposant une revalorisation de la « consultation de base » d’un euro cinquante seulement, l’Assurance maladie a fait l’unanimité des syndicats médicaux contre elle. L’augmentation est en effet très loin des 50 euros demandés par certains d’entre eux, avec suppression des rémunérations forfaitaires, et même des 30 euros demandés par d’autres, sans condition. L’Assurance Maladie complète sa proposition par une « simplification » de la nomenclature des consultations en quatre niveaux:

  • Niveau 0 : téléconsultations et consultations d’un généraliste non médecin traitant.
  • Niveau 1 : consultation de base.
  • Niveau 2 : consultations des enfants, des patients en ALD (affection de longue durée) avec un critère d’âge et de quantité, première consultation chez un médecin traitant (hors ALD), bilans de prévention.
  • Niveau 3 : autres consultations, dont première consultation chez un médecin traitant pour un patient en ALD, consultations de psychiatrie, visites longues, consultations très complexes.

En dehors du niveau 1, les tarifs n’ont pas encore été présentés.

Le contrat d’engagement territorial

Ça n’est pas tout : l’ensemble des syndicats s’élève aussi contre « le contrat d’engagement territorial », que l’Assurance maladie a décrété « non négociable » et qui (selon elle, d’après une source syndicale)1 permettrait aux médecins de bénéficier d’un forfait annuel de 3.000 €. Pour en bénéficier, les médecins devraient remplir au moins un critère parmi les 4 thématiques suivantes:

  1. Accès aux soins
  • Niveau minimal de file active.
  • Accueil de nouveaux patients MT (médecin traitant) adultes, notamment par adressage des CPTS (Communauté professionnelle territoriale de santé).
  • Consultations avancées en ZIP (zone d’intervention prioritaire).
  • Emploi d’un assistant médical dans le cadre du contrat avec l’Assurance maladie.
  1. Accès aux soins urgents
  • Participation à la PDSA (permanence des soins ambulatoires – 3 par trimestre).
  • Participation à la régulation du SAS (service d’accès aux soins – 3 par trimestre).
  • Participation au SAS.
  • Ouverture du cabinet le samedi matin (35 fois par an).
  1. Accès financier
  • Adhésion au secteur 1.
  • Engagement d’un seuil minimal de consultation à tarif opposable
  1. Engagement populationnel
  • Participation aux missions de la CPTS ou de l’équipe de soins primaires.
  • Participation à une réserve libérale sur sollicitation de l’Agence régionale de santé.
  • Fonction de maître de stage.

En clair, les revalorisations de rémunération sont soumises à l’adoption de mesures organisationnelles, que les syndicats dénoncent comme des contraintes motivées par une vision comptable et bureaucratique de la médecine libérale.

Consultations et forfaits

Ça n’est bien entendu pas l’avis de l’Assurance maladie, pour qui le tarif réel d’une consultation n’est pas le tarif nominal de 25 euros, mais est supérieur à 35 euros du fait des forfaits2 : en moyenne, 3,20 € pour le forfait médecin traitant, 1 € pour la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique), 0,60 € de forfait structure, 3,10 euros de prise en charge des cotisations sociales, 1,50 € de majoration pour les consultations complexes, et 0,80 € d’aides diverses. En gros, les rémunérations forfaitaires représenteraient environ 18% des revenus d’un médecin généraliste (contre 4% en 2006).

Le revenu d’activité moyen (revenu après déduction des charges, cotisations, achat et entretien de matériel, loyers, etc) d’un généraliste s’élève à 89.700 € par an, soit plus qu’un pédiatre ou un psychiatre, mais deux fois moins qu’un radiologue. Or les syndicats font deux remarques. D’une part, il s’agit de valeurs moyennes qui masquent de grandes disparités. D’autre part, les généralistes sont écrasés par le poids des missions qui pèsent actuellement sur eux, notamment sur celles de santé publique, que les autres spécialistes ont à un degré nettement moindre.

Certains avancent des comparaisons internationales pour montrer que les généralistes français sont bien moins rémunérés que d’autres. Mais ici la prudence est de mise : les situations nationales sont très différentes d’un pays à l’autre.

Quoiqu’il en soit, les propositions de l’Assurance maladie font écho à celles du projet de loi Rist3 (sur la possibilité de consultation médicale sans passer par un médecin généraliste et sur l’engagement territorial). Il s’agit donc d’un bras de fer engagé entre les médecins et le Gouvernement, sachant que ce dernier peut se réserver le dernier mot par l’obligation d’un arbitrage si les négociations n’aboutissent pas le 20 février au plus tard. En attendant, les syndicats appellent à une journée de mobilisation le 14 février 2023, avec fermeture des cabinets.