La chirurgie permet d’améliorer la survie, alors pourquoi les cas de MHCR ne sont-ils pas orientés vers une résection ?
- Wei AC & al.
- JAMA Surg
- Univadis
- Clinical Summary
Depuis plus de 20 ans, les chirurgiens du foie savent qu’une résection sur mesure des métastases hépatiques d’origine colorectale (MHCR) offre un énorme avantage en termes de survie, comparativement à la chimiothérapie seule, et aujourd’hui, le nombre de patients présentant des MHCR éligibles à une résection pourrait être plus important que jamais auparavant.
Pourtant, seuls 15 % des patients présentant des MHCR sont orientés vers une résection, même si l’on estime que 30 % pourraient en retirer un bénéfice.
« En tant que chirurgiens du foie, nous sommes profondément préoccupés par le fait que les patients présentant des MHCR ne sont pas correctement orientés vers une chirurgie qui peut prolonger leur durée de vie », écrivent la Dre Alice C. Wei et le Dr William R. Jarnagin, du département de chirurgie du Centre de cancérologie Memorial Sloan Kettering (Memorial SLoan Kettering Cancer Center), à New York.
« La résection de MHCR peut être une intervention curative lorsqu’elle est utilisée dans le cadre d’un traitement multimodal », ont-ils déclaré dans un éditorial de la rubrique Viewpoint, publié en ligne le 15 juillet sur JAMA Surgery.
Les auteurs soulignent que résultats à long terme d’un essai contrôlé randomisé de phase III démontrent que la survie globale à 5 ans après la métastasectomie était supérieure à 50 %, contre environ 14 % chez les patients traités par chimiothérapie seule.
Le plus grand obstacle à l’orientation des patients vers la chirurgie est la complexité de l’évaluation de l’éligibilité des patients à la résection, a indiqué la Dre Wei à Medscape Medical News.
« Il peut être compliqué de comprendre qui peut retirer un bénéfice d’une chirurgie des métastases hépatiques d’origine colorectale, surtout que les critères évoluent constamment », a-t-elle expliqué. « Solliciter un chirurgien du foie pour évaluer les patients présentant des métastases hépatiques d’origine colorectale de manière précoce et fréquente pourrait permettre d’identifier les patients qui peuvent retirer un bénéfice d’une chirurgie prolongeant la durée de vie. Cela n’est tout simplement pas possible en se basant uniquement sur des analyses de laboratoire ou des rapports de radiologie. »
Interrogé, le Dr Yuman Fong, président du département de chirurgie du Centre médical City of Hope (City of Hope Medical Center), à Duarte, en Californie, a indiqué qu’il était totalement d’accord avec les auteurs.
« La survie médiane sans chirurgie est inférieure à trois ans, et pratiquement personne ne guérit », a précisé le Dr Fong à Medscape Medical News. « Les patients qui présentent plus de 5 métastases hépatiques, voire parfois plus de 10, peuvent désormais être guéris grâce à une chirurgie experte. Ainsi, les patients présentant des métastases du cancer colorectal doivent être orientés vers un chirurgien du foie expert pour obtenir un avis. Cela permet de s’assurer de ne pas manquer une possibilité de prolonger leur durée de vie. »
Avec un traitement systémique, 40 % des patients présentant des MHCR peuvent être guéris grâce à une résection hépatique, a ajouté le Dr Fong, en mettant en avant les résultats d’une étude de suivi sur 25 ans de 548 résections hépatiques réalisées entre 1970 et 1992. Ces résultats révèlent que la chirurgie seule a guéri 20 % des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique.
En Californie, que le Dr Fong considère comme « un État ayant un bon système de santé », les résultats d’une récente étude populationnelle révèlent que moins de 10 % des patients présentant des métastases hépatiques ont fait l’objet d’une résection hépatique. L’étude a également identifié d’importantes variations, ainsi que des disparités significatives au sein de la population, en ce qui concerne le recours à la résection hépatique dans le cadre des MHCR dans l’ensemble de l’État.
Le Dr Fong a également remarqué que la résection chirurgicale et six mois de chimiothérapie adjuvante pouvaient offrir une survie plus longue pour une fraction du coût de la chimiothérapie palliative.
« Dans le cadre du cancer colorectal de stade IV, une chimiothérapie systémique peut coûter plus de 60 000 $ à 100 000 $ pour 6 mois », a-t-il précisé. « Par conséquent, les patients recevant uniquement une chimiothérapie systémique, des agents biologiques et une immunothérapie peuvent engendrer des frais de plus de 200 000 $ à 300 000 $ avant leur décès. La résection chirurgicale pourrait être à la fois plus efficace et moins coûteuse. »
Bien que les résultats d’une enquête menée auprès de chirurgiens généraux et d’oncologues médicaux montrent que les patients présentant une seule MHCR ont été orientés vers un chirurgien du foie plus de 95 % du temps, ce taux baisse de manière considérable pour les patients présentant plusieurs lésions et/ou une maladie extrahépatique.
Cependant, d’après les Drs Wei et Jarnagin, même chez les patients présentant plusieurs lésions et/ou une maladie extrahépatique, la chirurgie peut permettre d’obtenir un bénéfice considérable. La résection est généralement possible : le facteur technique déterminant est de savoir si un résidu hépatique fonctionnel peut être conservé après la résection/l’ablation.
À la suite d’un examen formel de l’imagerie par un chirurgien du foie expérimenté, une intervention personnalisée basée sur l’association entre les tumeurs et les structures vitales est conçue pour chaque candidat à la chirurgie, ont-ils souligné.
« Nous comprenons désormais que certains patients qui présentent une réponse solide et durable au traitement systémique peuvent retirer un bénéfice d’une résection de la maladie hépatique », ont écrit les Drs Wei et Jarnagin. « Ainsi, les patients auparavant considérés comme non résécables pourront devenir résécables, en particulier grâce à l’utilisation de stratégies de préservation du foie, telles que l’embolisation de la veine porte pour augmenter la future taille du résidu hépatique, la chimiothérapie intra-artérielle hépatique par pompe à perfusion ou les résections hépatiques séquentielles planifiées. »
Bien que jusqu’à 40 % des médecins aux États-Unis n’aient pas eu accès à un spécialiste du foie titulaire d’une certification pour la chirurgie hépatobiliopancréatique (HBP) ou l’oncologie chirurgicale complexe, la situation pourrait être en train de changer en raison de l’augmentation du recours à la télémédecine lors de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), a déclaré la Dre Wei.
« Je pense que la télémédecine constitue un excellent moyen pour qu’un nombre plus important de patients bénéficie d’une consultation au sujet de la résection des métastases hépatiques d’origine colorectale », a-t-elle indiqué, en faisant remarquer qu’au Centre de cancérologie Memorial Sloan Kettering, le recours à la télémédecine a considérablement augmenté pendant la pandémie. « En plus, les patients trouvent cela très pratique, et, de fait, beaucoup semblent même préférer la télémédecine. »
Interrogé sur l’impact de la pandémie, le Dr Fong a exprimé son inquiétude quant à la possibilité qu’elle entraîne une réduction supplémentaire de la disponibilité des soins experts pour les patients présentant des MHCR aux États-Unis.
« Pour les patients atteints d’une maladie métastatique avancée, il est souvent nécessaire de se rendre dans de grands centres pour recevoir une chirurgie experte », a-t-il expliqué. « Dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni et en Suède, l’orientation vers un centre expert est obligatoire. Le COVID-19 rend désormais les déplacements des patients difficiles, à la fois en raison des craintes de ceux-ci et des contraintes logistiques comme les quarantaines. »
La Dre Wei a rapporté des relations avec Celgene, Shire, Ipsen, Ethicon, Physicians’ Education Resource, Paradigm Medical Communications, Intuitive Surgical et Bayer. Le Dr Fong, qui est rédacteur en chef de la revue Molecular Therapy Oncolytics, a révélé des liens avec Merck, Imugene, Intuitive et Medtronics. Le Dr Jarnagin n’a déclaré aucune relation financière pertinente.
L’article a initialement été publié sur Medscape.com.
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