La carte vitale biométrique : lutte contre la fraude ou argument politique... ?

  • Jacques Cofard

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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Le Sénat a voté une ligne de crédit de 20 millions d’euros pour le lancement d’une carte vitale biométrique. Mais certains représentants de professionnels de santé ont fait connaitre leur vive opposition à la mise en place de ce nouveau dispositif.

Argument politique ?

L'instauration d'un crédit de 20 millions d'euros pour le lancement d'une expérimentation sur la création d'une carte biométrique, divise. Dans le cadre de la loi de finance rectificative, le Sénat a en effet fait adopter un amendement qui débloque ces 20 millions pour lutter contre la fraude sociale grâce à la carte biométrique.

Le sénateur LR des Deux-Sèvres (79), Philippe Mouillier, à l'origine de cet amendement, a rappelé qu'« en 2020, lorsque nous avons auditionné des représentants de la sécurité sociale, ces derniers nous ont indiqué qu’ils estimaient à 2,6 millions le nombre de cartes surnuméraires. En retenant l’estimation la plus basse, la fraude à la carte vitale serait de l’ordre de 6 milliards d’euros ».

Gabriel Attal, qui représentait le gouvernement lors du vote de cet amendement au Sénat, avait approuvé cette mesure : « l’adoption de votre amendement contribuerait à accélérer les choses, et c’est pourquoi, sans m’y opposer, je m’en remets à la sagesse du Sénat. »

Déjà, dès le 19 juillet à l'Assemblée nationale, le ministre de la santé François Braun avait approuvé la question orale au gouvernement, sur ce sujet, formulé par le député Les Républicains Thibault Bazin : « Nous vous enjoignons à faire des réformes structurelles, par exemple lutter contre les fraudes. La fraude sociale couterait entre 14 et 45 milliards d'euros par an. Une des mesures que nous vous avons déjà proposée est l'instauration de carte vitale biométrique. Ce sont des cartes dont les paramètres contiennent des caractéristiques physiques de l'assuré, comme ces empreintes digitales par exemple. C'est un système qui assure une très grande fiabilité contre les risques de fraude. »

Mission parlementaire

François Braun lui avait alors répondu que « le gouvernement a déployé un système de carte vitale dématérialisée et sécurisée, permettant l'authentification et la signature des assurés pour les différents actes. Il convient là aussi de l'évaluer. Monsieur le député Bazin vous souhaitez le déploiement de cartes vitale biométriques, cette question mérite d'être travaillée car il existe plusieurs dispositifs et qu'il nous faut par ailleurs en déterminer l'efficacité et la faisabilité en lien avec les professionnels. Je connais votre engagement et celui des Républicains en faveur de la lutte contre la fraude sociale, comme vous le savez, notre gouvernement est à l'écoute de toutes les idées pour faire avancer notre pays de manière transpartisane. Ainsi à la demande de la première ministre le gouvernement soutiendra une mission parlementaire afin de suivre au cours du déploiement de la nouvelle carte vitale sans aucun tabou et préjugé, afin d'en évaluer la pertinence et le déploiement ».

La carte biométrique verra enfin le jour, après avoir été enterré par le gouvernement d'Édouard Philippe en 2019, comme l'a d'ailleurs rappelé Thibault Bazin : « Le Sénat l'a voté en 2019 mais vous l'avez ensuite rejeté à l'Assemblée nationale au prétexte qu'une expérimentation était déjà menée dans quelques départements avec une carte vitale dématérialisée et non biométrique ? La carte vitale dématérialisée n'empêchera pas la fraude. »

Opposition des professionnels de santé

Mais, à peine annoncée et voilà que cette nouvelle carte biométrique est déjà rejetée par des représentants de professionnels de santé, et pas des moindre. Ainsi la présidente du premier syndicat de médecins généraliste, la Dr Agnès Gianotti, jointe par medscape, voue cette nouvelle carte aux gémonies : « ça ne sert à rien, cela va couter très cher, il va falloir que l'on change nos appareils, ce sont des mesures inappropriées. D'autant que nous ne constatons pas de fraude sociale, nous connaissons nos patients. Il y en a qui n'ont pas de carte vitale car cela met longtemps à être fabriqué... Il vaut mieux étudier le problème, la carte vitale biométrique est une mesure d'affichage qui n’a pas de lien avec les vraies grosses dépenses de fraude sociale. »

Même réaction de rejet sur Twitter de la part de Philippe Besset , président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France : « Carte vitale biométrique