L’internat 2021/2022 mise sur les soins critiques

  • Jean-Bernard Gervais

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

Publié au JO le 21 juillet dernier, un arrêté détaille la répartition des postes ouverts aux futurs internes en médecine pour l’année universitaire 2021/2022. Fait notable : le nombre de postes en soins critiques – désigné « spécialité prioritaire » – connait une nette augmentation, même si cette spécialité n’est pas épargnée par un certain nombre de problèmes structurels, comme le rappelle Gaëtan Casanova, président de l'InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI) et lui-même interne en anesthésie-réanimation.

 

37 postes supplémentaires en soins critiques

Le nombre de postes d'internes à ouvrir est de 8.791. Il augmente cette année de +2,5%, soit 215 postes de plus par rapport à l'année 2020. Comment répartir cette nouvelle manne en tenant compte du contexte actuel ? « Les travaux menés par l’Observatoire national de la démographie des professionnels de santé (ONDPS), en lien avec l’ensemble des acteurs (agences régionales de santé, universités, représentants étudiants, syndicats et ordres professionnels…) ont permis de proposer une répartition de ces postes pour répondre aux enjeux de démographie médicale et des priorités de santé publique portées par le Gouvernement », fait savoir le ministère de la Santé dans un communiqué.

Ainsi, le surplus de postes a profité avant tout aux soins critiques, en rude tension depuis 2020, du fait de la pandémie de Covid-19 : « Le Gouvernement augmente donc de façon significative le nombre de postes pour les soins critiques avec 37 postes supplémentaires (+16 en anesthésie réanimation et +21 en médecine intensive réanimation). » La médecine générale n'est pas en reste, puisqu'elle compte 85 postes de plus par rapport à l'an dernier. « Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran et la ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal s’étaient engagés à poursuivre l’augmentation des postes de médecine générale dans le cadre de la stratégie Ma Santé 2022 et du renforcement de la présence médicale dans les territoires, toujours au plus proche des patients », justifie le ministère de la Santé.

 

Plus de postes en psychiatrie

Dans son communiqué, le ministère distingue également la psychiatrie : « Enfin, à la veille des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie souhaitées par le Président de la République, l’augmentation des postes en psychiatrie permettra de soutenir cette spécialité et d’en favoriser l’attractivité auprès des étudiants en médecine. » Pour autant, l'augmentation du nombre de postes en psychiatrie, hors contrat d'engagement de service public, est loin d'être significatif, puisque l'on passe d'une année sur l'autre de 527... à 532 postes, soit seulement 5 postes de plus. Rappelons par ailleurs que l'an dernier, sur les 527 postes affectés (auquel il faut ajouter 4 postes en CESP), seulement 473 avaient été pourvus. Augmentation de postes n’est pas synonyme d’attractivité.

 

Dans le creux démographique selon l’Isni

Interrogé par Medscape sur la teneur de cet arrêté, le président de l'intersyndicale nationale des internes (Isni), Gaëtan Casanova, se dit plutôt content de l'augmentation de 200 places de plus, tout en soulignant que « ce n'est pas seulement la quantité qui compte mais la qualité ». Et de souligner qu'il y a urgence à augmenter le nombre de médecins en activité, « car actuellement nous sommes dans un creux démographique, il y a plus de départs (en retraite notamment) que d'arrivée. Il va falloir encore attendre une dizaine d'années avant de combler ce déficit ».

 

Soins critiques : fallait-il créer la MIR ?

Quant aux soins critiques, Gaëtan Casanova regrette la création de la spécialité en médecine intensive et réanimation (MIR), dans le cadre de la réforme du troisième cycle : « La création de cette spécialité a alimenté la guéguerre entre Mir et Mar (anesthésie-réanimation). Auparavant, on faisait un DESC en réanimation et on constituait de vraies équipes, avec des anesthésistes réanimateurs et des réanimateurs qui pouvaient tout aussi bien être neurologues, cardiologues, etc. Ça permettait d'avoir une bonne prise en charge des patients. Mais on a dégommé tout cela en créant la MIR : il n'y a plus de possibilité pour un cardiologue de faire de la réanimation en plus, dans le cadre du DESC. Je pense que la MIR en tant que spécialité est une mauvaise idée. C'est la même chose pour la spécialité d'urgence. Maintenant il n'y a plus de souplesse. »

Pour autant, l'augmentation du nombre de places en soins critiques rendra-t-elle plus attractive la spécialité « soins critiques » ? En avril dernier, France Inter s’était fait l’écho d'abandons de la spécialité par des internes, harassés par le nombre d'heures de travail et le stress induit par la réanimation, surtout en période de pandémie. Pour autant, selon Gaétan Casanova, la spécialité ne souffre pas d’un désamour : « Il n'y a pas de désaffection pour la réanimation mais de nombreux internes vont de MIR à MAR. Car c'est très angoissant de se dire que l'on ne va faire toute sa vie que de la réanimation. C'est une bonne formation mais elle est trop restreinte dans ses perspectives professionnelles. »

En juin dernier, dans un communiqué, le conseil national professionnel d'anesthésie-réanimation avait aussi rassuré sur le nombre de réanimateurs en fonction. Car si les réanimateurs MIR sont moins d'une centaine à être formés, il faut aussi compter sur le contingent des anesthésistes-réanimateurs : « Le suivi des carrières professionnelles indique qu’à l’issue de leur diplôme, 25% des anesthésistes-réanimateurs, soit environ 120 médecins, ont une activité exclusive en réanimation ; à cela s’ajoutent 120 autres médecins qui auront une activité partagée entre la réanimation et l’anesthésie. Ainsi, ce sont environ 240 anesthésistes réanimateurs et 74 médecins intensivistes réanimateurs qui rejoignent chaque année, à l’issue de leur formation, les équipes de réanimation avec un niveau de formation conforme aux exigences de la société européenne de réanimation. »

 

Autres spécialités 

Si le ministère de la santé braque les projecteurs sur les spécialités de soins critiques, il en laisse bien d’autres dans l'ombre qui ont pourtant joué un rôle crucial dans la prise en charge de la pandémie. C’est le cas notamment des « maladies infectieuses et tropicales », qui voit son contingent augmenter seulement de 2 places en un an, passant de 52 à 54 places. La médecine d'urgence gagne 3 places, et passe de 471 postes à 474. En revanche, la spécialité "biologie médicale", fait du surplace, avec 107 postes ouverts, soit un nombre identique à l'an dernier.

Cet article a initialement été publié sur le site internet Medscape.