L’immunité collective mise à mal par les nouveaux variants du SARS-CoV-2 au Brésil ?

  • Agnès Lara
  • Actualités Médicales
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Dans un commentaire paru tout récemment dans The Lancet, le Dr Ester Sabino du département des maladies infectieuses et de la faculté de médecine de l’Université de Sao Paulo (Brésil) s’interroge sur la résurgence du nombre de cas de COVID-19 observée à Manaus. En effet, une étude menée auprès des donneurs de sang de la ville avait montré que 76% de la population avait déjà été exposée au virus en octobre 2020. Un chiffre corroboré par des taux d’infection élevés retrouvés dans d’autres régions d’Amazonie et qui supposait l’atteinte d’une immunité collective (considérée établie au-dessus du seuil de 67%). Pourtant, Manaus a vu le nombre de cas d’hospitalisations pour COVID-19 s’envoler au mois de janvier 2021. La spécialiste envisage plusieurs possibilités, non exclusives, susceptibles d’expliquer cette brutale résurgence de l’épidémie :

1. Une immunité collective non atteinte

La première est que l’exposition de la population au virus ait été surestimée et que l’immunité collective n’ait en fait pas été atteinte, laissant au virus la possibilité d’une nouvelle vague d’infection après les fêtes de fin d’année. Cependant, plusieurs arguments vont à l’encontre de cette première hypothèse et notamment le fait que les sujets ayant des symptômes de COVID-19 aient été exclus des donneurs de sang, ce qui aurait dû plutôt contribuer à sous-estimer le nombre de patients infectés.

2. Une perte de l’immunité acquise suite à l’infection

À Manaus, le pic épidémique a eu lieu en avril 2020, puis le nombre de cas s’est ensuite stabilisé à un niveau bas de mai à novembre (7 mois). Il est possible que le titre des anticorps (IgG) produits suite à l’exposition d’avril ait commencé à baisser en décembre. Cependant l’immunité contre le SARS-CoV-2 est aussi cellulaire et une étude réalisée chez des soignants britanniques a montré que les réinfections étaient peu fréquentes jusqu’à 6 mois après l’infection primaire. Il est donc peu probable que cette hypothèse suffise à elle seule à expliquer la remontée du nombre de cas à Manaus.

3. De nouveaux variants échappant à l’immunité ?

Troisième hypothèse, de nouveaux variants circulant dans la population pourraient ne pas être sensibles à l’immunité acquise. Parmi les nouveaux variants du SARS-CoV-2, les variants P1 et P2 comportent 10 mutations ou plus du gène codant pour la protéine Spike. Ils ont été détectés à Manaus et des cas de réinfection ont pu leur être attribués (1 pour P1, 2 pour P2). P2 possède notamment la mutation E484K capable de réduire la neutralisation du virus par les anticorps de patients convalescents in vitro.

4. De nouveaux variants circulants plus facilement transmissibles ?

Le variant P1 était absent à Manaus entre mars et novembre 2020, alors qu’il représentait 42% des souches circulantes en décembre. Même si sa transmissibilité a été encore peu étudiée, cette nouvelle version du virus partage certaines mutations avec les variants britanniques et sud-africains dont on sait que la transmissibilité est accrue. Elle pourrait donc bien avoir contribué à la remontée de l’épidémie, surtout si elle était associée à un échappement de l’immunité. À suivre...

 

Le Dr Sabino recommande donc une surveillance sérologique et génomique des souches virales à Manaus (comme ailleurs), ainsi que des cas de réinfection. Reste également à savoir si les vaccins actuellement disponibles seront efficaces sur ces nouveaux variants.