L’Académie de médecine dénonce les renoncements gouvernementaux face au lobby alcoolier
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
L’Académie de médecine n’y va pas par quatre chemins. Attérrée par ce qu’elle nomme « une défaite majeure pour la santé publique », c’est-à-dire l’arrêt de la baisse de consommation d’alcool dans notre pays depuis 2013, elle désigne clairement ses responsables : le « lobby alcoolier » et les gouvernements successifs qui cèdent à ses pressions. Les conséquences sont catastrophiques : en France, l’alcool tue 30.000 hommes et 11.000 femmes par an, il est la première cause évitable de mortalité des 15-30 ans, la première cause de retard mental évitable du nouveau-né et de l’enfant, la deuxième cause évitable de décès de toutes causes et par cancers, la deuxième cause d’hospitalisation médicale. Il est également impliqué dans 40% des violences faites aux femmes et aux enfants et dans un tiers des décès par accidents de la route.
Pourtant, les analyses et préconisations de nombreuses autorités de santé ou autres (Cour des comptes) se rejoignent sur les mesures efficaces à prendre : « bannir la publicité pour l’alcool suivant les principes initiaux de la loi Evin » (ainsi la publicité est aujourd’hui autorisée sur internet), « porter des indications claires, lisibles et contrastées sur les contenants », « taxer les boissons alcooliques au gramme d’alcool », « établir un prix minimum de vente par gramme d’alcool. » Les Français y sont largement favorables : 70% sont en faveur de l’interdiction totale de la publicité, 58% de la taxation de l’alcool, 81% pour un étiquetage spécifique sur les risques de l’alcool, 90% pour un renforcement de la prévention en direction des jeunes.
Le lobby alcoolier a longtemps entretenu le doute sur les bienfaits de l’alcool, notamment en confondant effets coronariens favorables et effets cardiovasculaires du vin. L’étude parue l’année dernière dans le Lancet va lui rendre les choses plus difficiles (« No level of alcohol consumption improves health – La consommation d’alcool n’améliore pas la santé quel qu’en soit le niveau » ).
En attendant, l’Académie dénonce les reculs gouvernementaux : « Que dire de la reconnaissance de la filière viticole comme un acteur crédible de la prévention ? De la diffusion de dépliants scolaires pour les 3-6 ans sur la vigne sans parler d’alcool ni de ses effets ? De l’acharnement à favoriser la consommation de vin des femmes ? D’interventions ministérielles répétées donnant au vin un rôle particulier alors qu’il représente la moitié de l’alcool consommé ? De l’extension du fonds tabac abondé par une taxe sur le tabac à l’ensemble des addictions sans la moindre participation de la filière alcool ? De la proposition parlementaire de rétablir la consommation d’alcool dans les stades ? »
Pour l’Académie, le Plan national de mobilisation contre les addictions et le Plan national de santé publique ne sont pas à la hauteur des enjeux « malgré une analyse correcte de la situation et des mesures potentiellement efficaces » : « le lobby alcoolier obtient régulièrement un affaiblissement des mesures existantes. »
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