L’usage des psychotropes encore trop élevé chez les sujets âgés

  • Résumé d’article
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À retenir

  • Une revue française décrit une baisse de l’usage des psychotropes chez les sujets âgés jusqu’à l’épidémie de COVID-19, notamment en ce qui concerne les antipsychotiques et les benzodiazépines. Cependant, la prévalence de leur usage reste à un niveau très élevé, largement au-dessus de celle observée dans la plupart des autres pays européens.
  • Cette surutilisation est associée à une proportion importante d’usages inappropriés (30% d’utilisateurs de benzodiazépines tous âges confondus) malgré un rapport bénéfice/risque défavorable. Elle perdure malgré les mesures développées pour réduire le recours aux psychotiques chez les sujets âgés. Une inefficacité qui n’est pas spécifique aux psychotropes et qui serait liée à la difficulté à faire adhérer aux messages et aux recommandations.
  • Les auteurs appellent à agir sur d’autres leviers, peut-être à des niveaux régionaux, en couplant les interventions à une surveillance pharmaco-épidémiologique susceptible d’en évaluer l’impact.

Pourquoi est-ce important ?

Les psychotropes sont largement utilisés dans la population âgée, malgré les effets indésirables largement décrits dans la littérature. Selon le premier rapport sur les prescriptions et l’usage des psychotropes en France paru en 1994, notre pays apparaissait comme le champion de l’utilisation de ces molécules au niveau européen. La différence avec les autres pays était particulièrement marquée pour les anxiolytiques dont les prescriptions étaient par exemple 10 fois plus importantes qu’au Royaume Uni. Où en est-on de l’usage de ces molécules en France aujourd’hui ? Une revue menée par le service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux a fait le point sur le sujet. 

Les données de l’Assurance Maladie depuis 2007, puis la base de données Open Medic intégrant la totalité des dépenses de santé depuis 2015, ont été utilisées pour cette étude. Elles ont pu être complétées par celles de la plateforme nationale de pharmaco-épidémiologie DRUGS-SAFE® créée par l’ANSM sur la période 2015-2019. 

Baisse de l’usage des antipsychotiques chez les plus de 65 ans

À partir de ces données, les auteurs de cette étude ont observé l’évolution de la prévalence et de l’incidence de l’usage des antipsychotiques en France entre 2006 et 2013. Malgré une baisse d’environ 10%, la prévalence de l’usage des antipsychotiques observée chez les sujets âgés de 65 ans et plus restait élevée en 2013 : 41,2% chez les femmes et 28,2% chez les hommes. L’évolution de l’incidence de l’usage de ces molécules était du même ordre sur cette période (-12,9%). Ces baisses étaient associées à une moindre utilisation des antipsychotiques de première génération partiellement compensée par ceux de deuxième génération. Et cette tendance s’est poursuivie entre 2014 et 2021 selon les données d’Open Medic.

L’usage des antidépresseurs se maintient à un niveau élevé

Une seconde étude menée sur la période 2007-2013, a montré que la prévalence annuelle d’usage des antidépresseurs était restée stable, de l’ordre de 13% parmi les 65-74 ans et de 18% chez les plus de 75 ans. Cette stabilité a été observée pour les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline et les antidépresseurs tricycliques. Dans le même temps l’usage des « autres antidépresseurs » a été réduit, notamment chez les plus de 75 ans.

La prise en compte des données de la base Open Medic semble indiquer que l’usage des antidépresseurs aurait diminué entre 2010 et 2019, avant de se stabiliser voire de réaugmenter depuis l’épidémie de COVID-19. Ce niveau élevé d’usage des antidépresseurs a été retrouvé dans les études sur la polymédication des sujets âgés ou celles sur la persistance des prescriptions inappropriées en institution et chez les personnes démentes.

L’usage des benzodiazépines toujours préoccupant chez les plus âgés

À la demande de l’ANSM, une nouvelle étude a été menée sur l’usage des benzodiazépines dans le cadre du programme DRUGS-SAFE® sur la période 2012-2020. Ses résultats montrent une diminution de l’usage des benzodiazépines (BZD) chez les personnes de plus de 65 ans (30,6% en 2012 vs 24,7% en 2020), essentiellement associée à un moindre usage des hypnotiques (baisse de 15% à 25% selon les groupes d’âge). Le niveau d’usage reste cependant élevé et la décrue semble s’être arrêtée en 2018, suivie d’une stabilisation en 2019 et peut-être même un rebond en 2020 lié à l’épidémie de COVID-19.

L’effet des mesures mises en place pour améliorer l’usage des BZD chez les sujets âgés (rémunération sur objectifs notamment) semble s’éroder. La surutilisation de ces molécules persiste en France par rapport à d’autres pays européens et contribue de façon significative (4%) à la polymédication des sujets âgés. La proportion de leurs usages inappropriés reste élevée (30% tous groupes d’âge confondus). Ces derniers sont surtout liés à une intensification de l’usage individuel avec le temps, en particulier chez les plus de 70 ans.