L’obligation vaccinale des professionnels : oui, sous conditions
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis (n°144) 1 sur l’obligation vaccinale des professionnels de santé, à la suite d’une saisine du ministre de la Santé et de la Prévention. Celui-ci insistait sur le contraste des valeurs entre « la liberté individuelle, d’une part, et le bénéfice collectif et l’intérêt général qui sous-tendent le contrat social induit par la vaccination ». La réponse du CCNE s’attache à établir « un cadre prospectif pour les décisions de santé publique à venir ».
Son avis est guidé par deux considérations. La première porte sur « la protection des droits fondamentaux des patients, notamment les plus fragiles, et l’impératif de sécurité des soins ». Celui-ci impose aux personnes travaillant dans les secteurs sanitaires et médico-sociaux (et donc pas seulement aux professionnels de santé stricto sensu) de s’engager à tout mettre en œuvre pour diminuer les risques de transmission des agents pathogènes aux patients et résidents. L’avis note d’ailleurs que pendant la pandémie de Covid-19, l’immense majorité d’entre elles ont respecté l’obligation vaccinale. Cependant l’existence d’une minorité ne s’y conformant pas est susceptible de renforcer les doutes d’une partie de la population sur l’utilité de cette vaccination. Cela étant, le CCNE insiste sur le fait que la vaccination n’est pas la seule mesure de protection disponible, mais fait partie d’une palette d’outils (masque, mesures d’hygiène, gel hydroalcoolique, aération des locaux, etc).
La seconde considération est la distinction entre « période de crise et situation courante ». Dans la seconde, les recommandations vaccinales doivent être privilégiées en faisant appel à la responsabilité des personnels. L’obligation vaccinale ne peut alors être envisagée que pour des vaccins ayant fait la preuve d’un « très haut rapport bénéfices-risques » (par exemple, vaccins contre l’hépatite B ou la rougeole). En revanche, une crise sanitaire peut légitimer la décision politique d’obligation légale de vaccination, à condition de disposer d’un « corpus scientifique solide garantissant l’efficacité (même modérée) et l’innocuité du vaccin concerné » et s’il s’agit d’un « dernier recours », les autres dispositions ayant été mises en œuvre.
Quelle que soit les décisions prises par les autorités publiques, elles ne doivent être prises qu’à l’issue de processus de coconstruction avec les personnels concernés et les représentants des patients. Cela implique que ces autorités « se doivent d’être exemplaires dans la manière dont elles décident, justifient et mettent en place des politiques vaccinales ». Les discussions gagneraient à ce que la couverture vaccinale des professionnels travaillant en milieu de soins soit connue précisément, ce qui n’est pas le cas actuellement, et que des outils soient définis pour distinguer période normale et situation de crise.
Cinq membres du CCNE, non membres du groupe de travail ayant rédigé l’avis, s’en sont désolidarisés. Leur « point majeur de désaccord ne concerne pas la nécessité et l’importance de la vaccination, ni le fait que son obligation ne soit envisagée que comme une stratégie de derniers recours, mais de légitimer a priori un caractère obligatoire » sur le seul critère de l’existence d’une crise sanitaire et non « en prenant en compte l’ensemble du contexte ». Par ailleurs cette obligation outrepasse « l’idéal démocratique d’émancipation d’une citoyenneté de plus en plus active et responsable » et fait fi de la compétence des professionnels. Enfin, l’obligation ne se justifie que si le vaccin « bloque efficacement la transmission de l’agent infectieux » et « confère une immunité effective contre la maladie » (conformément à l’avis n°135 du CCNE).
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