L’industrie pharmaceutique fâchée avec le Sénat
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
En quelques années, les pénuries de médicaments sont devenues un problème majeur, impactant la qualité des soins et les pratiques des professionnels de santé (voir « Vécus de soignants : les pénuries vues de l’intérieur » 1). Le 6 juillet 2023, la Commission sénatoriale d’enquête « sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française » rendait un rapport 2 sur le sujet à l’issue de six mois de travail. Il était présenté par sa rapporteuse, Laurence Cohen, qui dès le lendemain était prise à partie par un communiqué de presse du LEEM 3 (Les entreprises du médicament), qui dénonçait « un procès en cynisme ». Une semaine plus tard (13 juillet 2023), le Sénat répliquait 4.
Dans son constat et ses préconisations, le rapport sénatorial est loin de se focaliser sur l’industrie. Il comporte néanmoins des passages que son syndicat conteste. Par exemple : « La négociation entre les pouvoirs publics et les grands laboratoires est structurellement déséquilibrée : les menaces d’arrêt de commercialisation, de déremboursement ou de déni d’accès précoce sont des armes de choix entre les mains des exploitants. » Le Leem rappelle que c’est le régulateur qui « a le dernier mot » et qu’en plus, « les temps de négociation sur les prix en France sont parmi les plus longs d’Europe et outrepassent le délai légal européen dans 90% des cas ». De plus, il dénonce « un contresens total sur la stratégie des entreprises », qui n’ont aucun intérêt à stopper la commercialisation d’un de leurs médicaments, qu’il ne soit pas remboursé ou que « les innovations n’arrivent pas jusqu’au patient grâce à l’accès précoce ! » En revanche, il admet que « des entreprises doivent envisager d'arrêter la commercialisation d'un médicament lorsque les revenus ne leur permettent plus de couvrir leurs coûts de manière satisfaisante ».
Le Leem s’indigne également de propos « blessants » selon lesquels « un laboratoire qui développe un médicament en monopole dispose, de fait, d’un droit de vie ou de mort sur les patientes et les patients ». Pour lui, il s’agit d’une « approche idéologique » qui témoigne d’une « méconnaissance profonde des missions premières qui animent l’ensemble des entreprises du médicament ». Enfin, il s’étonne que le rapport puisse affirmer que « les industriels pharmaceutiques envisagent d’abandonner la production de près de 700 médicaments » sans qu’aucune source ne soit citée.
Un rapport soutenu par l’ensemble du Sénat
Dans sa réponse, le Sénat rappelle que « c’est lors de l’audition des représentants des laboratoires par la commission que l’un d’entre eux s’est inquiété du "risque imminent" pesant sur la production de "plus de 700 présentations pharmaceutiques qui sont peu ou non rentables. À court ou moyen terme, nous envisageons leur arrêt de commercialisation" ». Mais il reconnaît « l’implication des industriels et des salariés du secteur pharmaceutique pour faire face aux ruptures d’approvisionnement, notamment en augmentant la production ». Surtout, il souligne que « le rapport ne reflète pas la position personnelle de la rapporteure, Laurence Cohen, mais celle de l’ensemble de la commission. En outre, il a été adopté à l’unanimité de ses membres présents lors de sa mise aux voix, moins une abstention ».
Sénat et Leem sont d’accord sur au moins un point essentiel : la nécessité d’un pilotage de la politique du médicament en France et en Europe. Pour le Sénat, cela passe par la création d’un secrétariat général au médicament, placé sous l’autorité de la Première ministre.
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