L’amendement qui met le feu aux poudres conventionnelles

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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L’ensemble des syndicats médicaux engagés dans les discussions conventionnelles les ont suspendues sine die le lendemain de l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi déposée par Stéphanie Rist et surtout d’un amendement présenté au dernier moment par le Gouvernement et adopté dans la foulée. Le texte a en effet été voté par une très forte majorité des députés présents (73 pour, 0 contre, sur 88 votants)1. Il doit être à présent examiné par le Sénat.

Les médecins contestent sa principale disposition : « la possibilité pour un patient de consulter en première intention un professionnel de santé autre que son médecin traitant ou un médecin généraliste »2, c’est-à-dire un(e) infirmier(e) de pratique avancée (IPA), un masseur kinésithérapeute ou un orthophoniste. Le texte précise que ces professionnels doivent exercer « dans le cadre de structures d’exercice coordonné » (centre ou maison de santé, communauté professionnelle territoriale de santé, équipe de soins primaires ou spécialisés) et informer le médecin traitant des patients concernés de leurs démarches. Leurs possibilités de prescription seront définies par un décret. Elles peuvent porter, par exemple, sur les arrêts de travail, certains examens complémentaires, des appareillages, des antalgiques comme le paracétamol ou certains traitements d’affections intercurrentes dans le cadre d’un suivi programmé.

Le texte a pour objectif principal explicite de favoriser l’accès aux soins. Il s’inspire très fortement d’un rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) de novembre 2021 et de dispositions existant dans certains États. Il vise également à valoriser les professionnels de santé concernés et à étendre leurs compétences. Le rapport préparatoire au projet de loi2 indique d’ailleurs qu’il peut s’agir d’un premier pas vers une extension de compétences à d’autres professionnels de santé (pédicures podologues, ergothérapeutes, diététiciens, etc).

Court-circuiter les discussions conventionnelles

L’amendement (n°348)3 qui a mis le feu aux poudres dans un contexte conventionnel déjà tendu vise à « valoriser l’engagement territorial des médecins en faveur de l’accès aux soins de proximité, de l’accès aux soins non programmés, de l’accès financier aux soins et des actions de santé en faveur de la population du territoire. Ces modalités peuvent reposer notamment sur des rémunérations forfaitaires et des tarifs spécifiques de consultation. » Pour les syndicats médicaux, il s’agit là d’une tentative pour obliger les praticiens à s’engager dans ce type de démarche.

Non pas qu’ils soient opposés à une coordination territoriale des professionnels. Ce qui les choque d’abord, c’est la méthode employée. Pour eux, la proposition de loi et cet amendement passent par-dessus la tête des partenaires conventionnels (syndicats et assurance maladie). Comme l’a indiqué le communiqué commun de l’Ordre des médecins, des syndicats de médecins libéraux et hospitaliers du 5 janvier 20234, le médecin doit rester « le chef d’orchestre » de la prise en charge des patients, car seule sa compétence « garantit sa qualité et sa sécurité. » C’est à lui de « recourir aux compétences spécifiques et indispensables des professionnels de santé. »

Cependant pour les députés, il y a urgence. C’est pour cela que le rapport de la commission préparatoire au projet de loi exclut toute expérimentation. En revanche, les syndicats estiment qu’il s’agit d’un « texte dangereux pour la santé de la population, pour les finances publiques et inadapté au vrai problème : le manque de moyens accordés aux médecins généralistes traitants pour faire leur travail. »5