L’allaitement maternel peut restaurer le microbiome du nourrisson après une césarienne

  • Sheena Meredith
  • Actualités Médicales
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

L’allaitement maternel pourrait compenser la réduction de la transmission des microbes maternels lors d’une césarienne, par rapport à un accouchement par voie naturelle, selon une nouvelle étude observationnelle dirigée par l’Université d’Édimbourg (University of Edinburgh) qui a examiné le développement du microbiome des nourrissons au cours du premier mois de leur vie. 

Les chercheurs ont voulu vérifier si « des microbes essentiels faisaient défaut » aux bébés nés par césarienne, comme cela avait été suspecté. Ils expliquent : « L’ensemencement du microbiote en début de vie et son développement ultérieur sont essentiels à la santé future. » Le microbiome humain joue un rôle essentiel dans l’utilisation des nutriments, la résistance à la colonisation ainsi que dans l’éducation et le développement du système immunitaire, ont-ils indiqué. « Les perturbations du microbiote en début de vie peuvent donc augmenter le risque de maladies pendant l’enfance ou plus tard au cours de la vie. »

Les enfants nés par césarienne et par voie naturelle ne bénéficient pas du même « kit de démarrage »

Les premiers contacts bactériens importants dont les nouveau-nés font l’expérience sont d’origine maternelle et une transmission verticale se produit pendant et directement après la naissance. Cependant, le « kit de démarrage » de la mère transmis au nourrisson diffère fortement selon que l’enfant est né par voie vaginale ou par césarienne. 

Le mode de naissance était déjà connu pour être un facteur déterminant important du microbiote intestinal du nourrisson, avec une transmission perturbée des bactéries associées à la santé, telles que les souches Bifidobacterium et Bacteroides, en partie en raison d’un ensemencement fécal insuffisant et en partie en raison de la couverture antibiotique de la mère pour les césariennes.

L’équipe a recruté 120 paires mère-nourrisson et a prélevé des échantillons provenant de la peau, du nez, de la salive et du microbiome intestinal sur les nourrissons 2 heures après leur naissance et lorsqu’ils avaient 1 jour, 1 semaine, 2 semaines et 1 mois. Ils ont également prélevé des échantillons provenant du nasopharynx, de la salive, de la peau, du lait maternel, des selles et du vagin des mères des nouveau-nés, soit un total de 2 453 échantillons pour analyse.

Les résultats, publiés dans Cell Host & Microbe, ont montré que la diversité était plus grande dans les échantillons des mères que dans ceux des nourrissons pour toutes les niches corporelles et à tous les moments de mesure. En général, le microbiote des nourrissons ressemblait le plus au microbiote maternel directement après la naissance, ce qui confirme la théorie de l’ensemencement direct entre la mère et le nourrisson. Cependant, l’ensemencement du microbiote fécal après les naissances par césarienne faisait défaut, comme cela avait été supposé.

Ils ont constaté que les échantillons prélevés sur les bébés présentaient deux schémas distincts au fil du temps : Une augmentation progressive de la diversité microbienne dans les échantillons fécaux au cours du premier mois de vie, ou une diversité initiale élevée, suivie d’une sélection rapide au cours des premiers jours de vie, après quoi la diversité a progressivement augmenté à nouveau dans le microbiote du nasopharynx, de la salive et de la peau. 

Cela suggère que la diversité microbienne n’est pas seulement déterminée par l’ensemencement et le développement initiaux, mais qu’elle continue à s’accroître avec l’âge, ont déclaré les auteurs.

L’allaitement maternel peut compenser le déficit du microbiome après une césarienne

Le mode de naissance est le plus fortement associé à la composition du microbiote fécal du nourrisson, suivi du microbiote nasopharyngé et du microbiote cutané. Le type d’alimentation (tout allaitement maternel par rapport à une alimentation par lait maternisé uniquement depuis la naissance) a eu l’impact le plus important sur le microbiote cutané des nourrissons, suivi par le microbiote salivaire et le microbiote fécal. Un mois après la naissance, les communautés microbiennes de la peau étaient les plus similaires entre les mères et les nourrissons, suivies par les communautés microbiennes fécales, salivaires et nasopharyngées (transorales).

Quelle que soit la voie de naissance, les chercheurs ont constaté qu’environ 58,5 % du microbiome d’un bébé provenait de sa mère, mais que des communautés microbiennes différentes chez la mère contribuaient à des microbiomes différents chez le nourrisson. Les bébés nés par césarienne ont reçu moins de microbes des microbiomes vaginaux et fécaux de leur mère, mais ont acquis plus de microbes en provenance du lait maternel, « ce qui semble être un phénomène de compensation », ont déclaré les auteurs. 

« Si les bébés nés par césarienne reçoivent une moindre part du microbiome intestinal de leur mère pendant la naissance, ils compensent cette insuffisance en buvant les microbes de leur mère contenus dans le lait maternel. »

L’allaitement maternel est « encore plus important » pour les bébés nés par césarienne

La première auteure, la professeure Debby Bogaert, médecin-chercheuse à l’Université d’Édimbourg (University of Edinburgh), a déclaré : « Le transfert et le développement du microbiome sont si importants que l’évolution a fait en sorte que ces microbes soient transférés d’une manière ou d’une autre de la mère à l’enfant.

L’allaitement maternel est encore plus important pour les enfants nés par césarienne, qui ne reçoivent pas les microbes intestinaux et vaginaux de leur mère. »

L’équipe estime que cela serait logique d’un point de vue évolutif, plusieurs voies ayant été créées pour s’assurer qu’un enfant commence sa vie avec le « kit de démarrage » microbien approprié.

Bien que le microbiome maternel explique près de 60 % du microbiome total du nourrisson, il en reste 40 % dont l’origine est inconnue. L’équipe prévoit maintenant d’étudier les influences non maternelles sur le développement du microbiome du nourrisson, telles que les pères, les frères et sœurs ou l’environnement Elle souhaite également comprendre comment le développement du microbiome chez les nourrissons est lié à la santé à long terme. 

La professeure Bogaert a déclaré : « Nous voulons ensuite étudier si ce processus intervenant en début de vie, influencé par la mère, affecte non seulement le risque d’infection à court terme au cours de la première année de vie, mais aussi la santé à plus long terme, en termes d’allergies et d’asthme, par exemple. À l’avenir, nous pourrions être en mesure d’utiliser ces connaissances pour aider à prévenir, diagnostiquer ou traiter les problèmes de santé. »

Invitée à livrer son commentaire sur l’étude par Medscape News UK, la Dre Louise Durrant, responsable des communications sur la nutrition à la Fondation britannique pour la nutrition (British Nutrition Foundation), a déclaré : « Nous savons depuis un certain temps, grâce aux recherches antérieures, que l’allaitement maternel a une influence positive sur le microbiome intestinal d’un nourrisson, à la fois grâce au transfert de bactéries et à l’apport de prébiotiques tels que les oligosaccharides du lait humain. 

« Bien que l’interprétation des résultats de cette étude soit limitée, les données suggèrent que le transfert du microbiote du lait maternel est plus important chez les bébés nés par césarienne que chez ceux nés par accouchement vaginal. Ce que cette étude ne nous dit pas, c’est si ces différences ont un impact sur les résultats de santé à court ou à long terme. »

Cette recherche a été soutenue par l’Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique et le Bureau du scientifique en chef du gouvernement écossais (Chief Scientist Office, CSO)/consortium du système de santé national pour la recherche en Écosse (National Health Service Research Scotland, NRS) par le biais d’une bourse de recherche clinique écossaise (Scottish Senior Clinical Fellowship award). Debby Bogaert a reçu un financement de la part d’OM Pharma et de GlaxoSmithKline pour des études non liées à ces travaux.