L’activité physique bonne pour les fonctions cognitives, vraiment ?
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Un esprit sain dans un corps sain. Les travaux épidémiologiques semblent avoir conforté l’adage romain. Pourtant, signalent deux chercheurs sur le site The Conversation, une étude parue en mars 2023 remet en question cette certitude.
Il s’agit d’une revue de 24 méta-analyses ayant recruté au total 11.266 personnes en bonne santé. Ses auteurs concluent certes à des effets bénéfiques de l’exercice physique régulier sur les fonctions cognitives, mais plus faibles que ceux estimés par les évaluations antérieures, voire inexistants. En effet, celles-ci souffriraient de deux biais : le niveau d’activité physique n’aurait été pris en compte qu’en début d’étude et comme la plupart des scientifiques, ses auteurs s’attarderaient surtout sur les résultats positifs. En définitive, les recommandations de santé publique devraient être pour le moins pondérées.
Les conclusions de ce travail sont remises en cause par une autre étude, génétique, parue quatre jours après, ayant inclus près de 350.000 personnes et basée sur la méthode de randomisation mendélienne à deux échantillons. Le premier, qui comptait 91.084 sujets, « a été utilisé pour identifier les variations génétiques qui aboutissaient à des différences d’activité physique, mesurée à l’aide de capteurs de mouvement portés au poignet. » Le second comptait 257.854 personnes et « a été utilisé pour tester si ces variations génétiques associées au niveau d’activité physique influençaient le fonctionnement cognitif de manière proportionnelle. »
Dans cette étude, les niveaux d’activité physique modérée et élevée étaient associés tous deux à une amélioration du fonctionnement cognitif, mais une fois et demi plus importante pour l’activité modérée (marche rapide, vélo) que pour l’intense (course à pied, basketball, ski de fond). En tenant compte de l’ensemble des activités physiques des participants (incluant les activités sédentaires et celles d’intensité légère), cette amélioration n’existait plus. Les auteurs en concluent qu’il est important d’atteindre des intensités suffisantes d’activités pour bénéficier d’une amélioration du fonctionnement cognitif.
Une autre étude, récente, corrobore ce résultat. La durée et l’intensité de l’exercice sont associées à l’augmentation de la production d’une neurotrophine cérébrale (BDNF – Brain-Derived Neurotrophic Factor), impliquée dans la création de nouveaux neurones, de nouvelles connexions entre neurones et de nouveaux vaisseaux sanguins.
Comment expliquer les différences de résultats entre les deux études cliniques ? Selon les auteurs de The Conversation, trois raisons en rendent compte. La première étude n’a recruté que des personnes en bonne santé, pas la seconde. Elle ne différencie pas les activités physiques en fonction de leur intensité, au contraire de la seconde. Elle ne se base que sur des interventions durant d'un mois à deux ans, alors que l’utilisation de la randomisation mendélienne par la seconde permet d’évaluer des effets sur la durée de la vie.
En conclusion, des études complémentaires sont certes nécessaires. Mais les auteurs de The Conversation mettent en garde contre des leçons tirées hâtivement à partir d’une seule étude remettant en question les nombreux travaux antérieurs. Avant toute modification du message de santé publique sur les bienfaits de l’exercice physique pour la santé mentale, il y a « un prérequis incontournable, l’accumulation de preuves convergentes provenant de différentes équipes de recherche. » Nous en sommes loin.
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