L’Académie de médecine opposée à l’abrogation de l’obligation vaccinale

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Par un décret du 13 mai 2023, le Gouvernement a suspendu l’obligation de vaccination contre le COVID-19 pour les professionnels et étudiants de santé. Quelques jours plus tôt, le 4 mai 2023, l’Assemblée nationale avait adopté un projet de loi d’initiative parlementaire abrogeant cette obligation [1] pour ces mêmes professionnels. Le 19 juin 2023, l’Académie de médecine publiait un communiqué [2] critiquant ces deux initiatives.

La décision gouvernementale, ainsi qu’une partie des arguments parlementaires, s’appuie sur l’actualisation des recommandations [3] que la HAS (Haute Autorité de Santé) a publié le 30 mars 2023 sur le sujet. Celle-ci s’est déclarée en faveur de la levée de l’obligation, mais s’est prononcée pour que la vaccination contre le COVID-19 soit « fortement recommandée », « en particulier pour les professions en contacts réguliers avec des personnes immunodéprimées ou vulnérables ». La HAS a pris soin de préciser que son avis s’appuie sur des données scientifiques, notamment l’épidémiologie actuelle de la pandémie, les quelques données disponibles sur l’effet de la non-vaccination des professionnels de santé sur leurs patients et sur le bilan des décisions prises dans d’autres pays à revenus élevés. Elle laisse au Comité Consultatif National d’Éthique le soin d’aborder les aspects éthiques et sociaux de l’obligation.

Il est important de noter que le décret gouvernemental porte sur une suspension, et non une abrogation. Le ministre de la Santé s’en est expliqué à l’Assemblée [4]. D’après ce dernier, il est raisonnable de suivre la recommandation de la HAS, mais la prudence enjoint à pouvoir de nouveau recourir à l’obligation sans être obligé de voter une nouvelle loi portant des dispositions similaires.

Suspension contestable, abrogation indéfendable

Pour l’Académie, la suspension est « contestable » et doit être « reconsidérée ». Quant à l’abrogation, elle « n’est pas défendable en termes de santé publique ». Elle serait, selon elle, « une abdication devant la diffusion des théories anti-vax au sein des établissements de santé, particulièrement relayées parmi les catégories de personnel qui ont été les plus durement mises à l’épreuve pendant la crise sanitaire et qui souffrent d’un grave manque de reconnaissance ». Il s’agirait en définitive d’un « renoncement face aux revendications privilégiant le libre choix et l’individualisme plutôt que l’attitude exemplaire, déontologique et responsable qui doit constituer la fierté de tout soignant ».

Les parlementaires à l’initiative du projet de loi reprennent plusieurs des données fournies par la HAS, en concluant que « l’obligation vaccinale pour les soignants n’est plus scientifiquement justifiée ». Ils ajoutent que « la suspension des professionnels est une mesure à l’application incohérente, insoutenable sur le plan sanitaire et social », notamment en raison de la pénurie de personnels dans les établissements publics du soin et du médicosocial, en particulier dans les départements d’outre-mer (dont la population est très majoritairement opposée à la vaccination contre le COVID-19). Ils soulignent que cette obligation est à géométrie variable, par exemple quand il s’agit de recruter des professionnels étrangers qui n’y sont pas soumis.

La proposition de loi parlementaire doit poursuivre son chemin législatif (passage au Sénat et éventuellement à la Commission des affaires sociales). Le débat est donc ouvert.