JNMG 2022 - Antibiorésistance : une pandémie silencieuse
- Serge Cannasse
- Actualités Congrès
Un problème mondial
La mortalité attribuable à l’antibiorésistance a été estimée à 1,27 millions de décès par an dans le monde, soit un chiffre largement supérieur à la mortalité combinée du VIH, du paludisme et de la tuberculose. En Europe, elle s’élève à plus de 35.000 morts par an, dont environ 5.500 en France.
Les bactéries sont dites multirésistantes (BMR) quand elles résistent à plus de 3 familles différentes d’antibiotiques. Parmi elle, 6 étaient responsables de 75% des décès mondiaux en 2019 (Escherichia Coli, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Streptococcus pneumoniae, Acinetobacter baumannii, Pseudomona aeruginosa). Deux types des BMR sont particulièrement surveillées en France : Staphylococcus aureus, dont 14% des souches sont résistantes à la méticilline, et les entérobactéries productrices de ß-lactamases à spectre étendu (EBLSE) : Escherichia Coli, Klebsiella pneumoniae, Enterobacter cloacae complex.
Depuis quelques années, sont apparues des bactéries sensibles seulement à une ou deux classes d’antibiotiques (BHRe : Bactéries Hautement Résistantes émergentes). Elles sont commensales du tube digestif et à fort potentiel de diffusion. Leur prévalence est encore faible, mais en augmentation. Elles sont à l’origine d’impasses thérapeutiques.
L’antibiorésistance a plusieurs origines, mais l’une d’elles est majeure : la consommation d’antibiotiques élevée et/ou inappropriée, exerçant une pression de sélection. En 2019, 93% des antibiotiques ont été délivrés en ville, 67% l’ont été par des médecins généralistes. La France est le quatrième pays européen le plus prescripteur.
La nécessité d’une approche globale
La maitrise de l’antibiorésistance nécessite une approche globale, dite « One Health », associant santé humaine, animale et environnementale. En janvier 2022, la Société de pathologie infectieuse de langue française a actualisé la liste des antibiotiques critiques disponibles en France (disponible sur son site).
La plupart des antibiotiques utilisés sont anciens et de nombreux disparaissent du marché chaque année. En effet, il y a peu de recherche à leur sujet de la part des industriels, qui jugent leur engagement dans ce domaine trop risqué. De fait, la problématique actuelle est de financer le développement de molécules nouvelles qu’on encouragera à être utilisées le moins possible pour préserver leur efficacité.
Le rôle fondamental des prescripteurs
La pandémie de COVID-19 a eu un impact plutôt positif sur la consommation des antibiotiques en ville, du fait de la diminution des consultations, de l’efficacité des gestes barrières et de la baisse des transmissions des infections respiratoires courantes. Mais sa baisse a été moins marquée chez les plus de 65 ans et en EHPAD et elle ne semble pas pérenne (réaugmentation en 2021, surtout chez les petits enfants).
Pour leur décision de prescriptions, les médecins peuvent s’aider en particulier des recommandations de bonne pratique de la HAS de juillet 2021 (Choix et durée d’antibiothérapie préconisées dans les infections bactériennes courantes) et du site Antibioclic.
Santé publique France lance une campagne sur le bon usage des antibiotiques et non sur l’antibiorésistance : cette stratégie apparait plus efficace. Destinée à augmenter le niveau de connaissance du public, elle sera axée autour de messages pédagogiques sur l’efficacité des antibiotiques : ils fonctionnent uniquement sur les infections bactériennes, pas sur la grippe, la bronchite, l’angine virale, etc ; ils ne font pas guérir plus vite ; ils ne sont délivrés que sur avis médical.
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