JNLF 2023 – SEP : Faut-il traiter tous les patients ?
- Caroline Guignot
- Actualités Congrès
Une étude récente menée à partir de l’OFSEP (observatoire français de la sclérose en plaques) a permis de montrer qu’en 2019, 12,1% des patients ayant reçu un diagnostic de sclérose en plaques (SEP) n’avaient jamais reçu de traitement et 15% n’étaient pas traités mais l'avaient été auparavant. Par ailleurs, la proportion de patients non traités dans l’année suivant le diagnostic était de près de 30%. Si ces chiffres sont en baisse depuis quelques années, ils interrogent par rapport à l’évolution des traitements et celle des critères diagnostiques et pronostiques. En d’autres termes, l’abstention thérapeutique est-elle justifiée au début de la maladie, pour certains phénotypes ou après un parcours d’évolution particulier ?
Les docteurs Guillaume Mathey (CHRU Nancy), Jonathan Ciron (CRC-SEP, CHU Toulouse) et Laurent Suchet (Hôpital Européen, Marseille) ont confronté leurs arguments sur le sujet au cours d’une session des Journées de neurologie de langue française (4-7 avril 2023, Lyon).
Importance du traitement en début de maladie
L’histoire naturelle de la maladie est modifiée par les traitements de fond de la SEP, que ce soit selon les données des études pivots ayant conduit à leur enregistrement ou que ce soit selon les données des registres. Par ailleurs, le suivi à long terme de patients auxquels un traitement a été prescrit précocement montre une évolution moindre vers un EDSS 6 (score Expanded Disability Status Scale auquel le sujet marche avec une aide) ou vers une forme secondairement progressive. Ce qui s’avère moins souvent être le cas ensuite. « Les deux premières années de la maladie semblent donc déterminantes pour la progression ultérieure de la maladie, a résumé Jonathan Ciron. Par ailleurs, les traitements de haute efficacité instaurés d’emblée conduisent à un meilleur pronostic fonctionnel de la maladie qu’une escalade thérapeutique progressive ». Cette observation est confirmée par la comparaison du registre national suédois, pays où l’on tend à prescrire d’emblée les traitements les plus efficaces, et le registre national danois, où ce sont plutôt ceux d’efficacité modérée qui y sont initialement privilégiés. « Nous devons nous rapprocher davantage du modèle suédois, que danois! » a insisté Laurent Suchet.
Pour autant, les surrisques infectieux qui existent pour tous les traitements de fond, et les signaux invitant à la vigilance concernant un potentiel risque tumoral associés à certains d’entre eux peuvent inviter à moduler cette position dans certains contextes cliniques. « Lors du diagnostic et du suivi initial, les facteurs pronostiques sont essentiels à repérer, car ce sont eux, plus que la poussée actuelle, qui permet de se projeter sur l’évolution de la maladie et de décider de la stratégie » [1] a poursuivi le spécialiste : présence et sévérité des symptômes moteurs, qualité de la récupération, nombre de poussées (au moins 2 en 2 ans), non-réponse au traitement, présence de lésions à l’imagerie…
Quelques sous-groupes de patients à bien définir
« Rappelons que les patients SEP non traités et évoluant peu existent » a reconnu Guillaume Mathey, même s’ils restent une minorité. Les données de l’imagerie semblent absolument déterminantes dans la décision de traiter une SEP rémittente car ce sont « ceux qui ont une charge lésionnelle initialement importante qui orientent majoritairement le résultat des études cliniques ». Aussi, la question de l’abstention peut potentiellement être évoquée en l’absence de signaux IRM particuliers après la première poussée, moyennant toutefois une surveillance extrêmement rigoureuse.
Et dans les formes progressives, qu’elles soient primitives ou secondaires, ne pas traiter peut-il aggraver l’évolution clinique ? Il apparaît en réalité que ceux qui bénéficient le plus des traitements dans ce contexte sont ceux qui ont une activité inflammatoire surajoutée. À l’inverse, « les patients les plus âgés sans poussées dans les deux dernières années et sans prise au gadolinium à l’inclusion n’ont pas de bénéfice clair apporté par le siponimod pour une poussée secondairement progressive » a proposé Guillaume Mathey en exemple. Ici aussi, une surveillance clinique et IRM très régulière pourrait être envisagée.
L’arrêt du traitement se pose enfin dans certains sous-groupes de malades chez lesquels la maladie est ancienne et peu active. L’âge seuil serait à déterminer précisément (dans tous les cas au-delà de 50 ans) mais une inactivité prolongée de la maladie depuis au moins 3 ans semble un minimum pour envisager une surveillance périodique plutôt que le maintien du traitement.
Attention toutefois aux patients ayant une forme rémittente traitée par des molécules de séquestration des lymphocytes T (natalizumab ou modulateurs des récepteurs des sphingosines-1-phosphate S1P) : leur arrêt peut conduire à une réactivation parfois importante de la maladie.
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