JNLF 2023 – Chirurgie de la maladie de Parkinson : quel bilan et quel avenir ?

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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Après l’évolution de la maladie et l’échappement du contrôle des symptômes, la chirurgie cérébrale peut être proposée pour traiter les personnes atteintes par la maladie de Parkinson. Dans le cadre d’une session dédiée au cours des Journées de neurologie de langue française (4-7 avril 2023, Lyon), trois neurochirurgiens ont présenté leurs arguments en faveur de la chirurgie lésionnelle ou non lésionnelle (stimulation cérébrale profonde ou SCP).

Cibles de la chirurgie

Les procédures neurochirurgicales peuvent cibler trois zones cérébrales préférentielles : le thalamus, le noyau sous-thalamique (NST), ou le globus pallidus, impliqué dans la régulation du mouvement. La thalamotomie est envisagée pour des formes tremblantes prédominantes. La subthalamotomie est principalement réalisée par radiofréquence (RF) ou par ultrasons focalisés (USF). Elle améliore le score d’atteinte motrice et réduit significativement la posologie dopaminergique, avec des évènements indésirables fréquents mais pour la plupart transitoires [1]. Les données concernant la subthalamotomie par gamma Knife (GK) sont moins nombreuses. Enfin, la pallidotomie est envisagée très fréquemment outre-Atlantique. Une étude récente [2] confirme la nette amélioration du score moteur et/ou de dyskinésie à 3 mois suite à une pallidotomie unilatérale par USF, avec une tolérance acceptable. Le ciblage du tractus pallidothalamique se développe par ailleurs. 

Pourquoi la stimulation cérébrale profonde (SCP) a supplanté la chirurgie lésionnelle?

Historiquement, la première chirurgie de la maladie de Parkinson (pallidotomie) a eu lieu dans les années 1940. Elle a progressivement disparu au bénéfice de la dopathérapie puis de la SCP dans les années 1980. Cependant, « depuis le début des années 2010, la nucléotomie par radiochirurgie Gamma Knife ou par ultrasons focalisés a réhabilité les procédures lésionnelles ».

La SCP est une chirurgie invasive non lésionnelle qui vise à moduler l’une des trois structures cérébrales profondes précitées (principalement le noyau subthalamique en France) via l’implantation d’électrodes. Généralement envisagée après une dizaine d’années d’évolution de la maladie, elle présente plusieurs avantages indéniables sur la chirurgie lésionnelle : adaptable, réversible, et de haute précision, notamment grâce au progrès de la neuroimagerie.

Par rapport au traitement médical optimisé, la SCP subthalamique est plus efficace [3], avec une amélioration des scores moteurs (tremblement et rigidité principalement) de l’ordre de 40%, des complications motrices (environ -50%), ainsi qu’une réduction de la durée des périodes off et une amélioration de la qualité de vie. Ce traitement permet en outre d‘améliorer le contrôle des symptômes non moteurs (impulsions) et de réduire le traitement dopaminergique, contrairement à la stimulation bipallidale. À 10 ans, l’amélioration des tremblements, des complications motrices et de la posologie est maintenue, mais les symptômes axiaux qui sont moins sensibles à la SCP peuvent progresser et être accompagnés d’une apparition de troubles cognitifs, associés à l’évolution de la maladie.

Quel avenir?

Des procédures lésionnelles échelonnées de SCP, actuellement en cours de validation scientifique, devraient permettre de pallier les situations actuelles de contre-indication des procédures bilatérales simultanées. Le développement d’électrodes permettant d’orienter le courant vers des sous-régions subthalamiques devrait de son côté aider à retarder les effets indésirables par rapport à une SCP non directionnelle. Enfin, la modulation des paramètres - durée de stimulation, modulation de fréquence - semble également améliorer le rapport bénéfice-risque de la technique, en attendant le développement des approches de stimulation automatique (boucle fermée de neuromodulation à partir de biomarqueurs physiologiques) [4]. Il sera possible de proposer à terme un traitement plus personnalisé et adapté à chaque patient. Une méta-analyse sur la SCP adaptative confirme d’ailleurs son intérêt par rapport au traitement SCP conventionnel, mais elle ne permet pas encore de décrire de supériorité sur l’efficacité ou la tolérance à long terme par rapport à l’approche conventionnelle [5].

« Je pense qu’à moyen terme, l’avenir de la chirurgie de la maladie ne sera pas lésionnel, parce que nous avons peu de gamma knife en France, a reconnu Tatiana Witjas–Slucki (CHU Timone Marseille, France). Dans le reste du monde, en revanche, le nombre de patients éligibles à la chirurgie augmente et l’accès à la SCP étant limité, elle a toute sa place ». La chirurgie, en effet, est rapide à mettre en œuvre. La principale approche (GK) est de réglage simple. Elle ne nécessite pas de craniotomie et n’engendre pas de risque infectieux ou hémorragique. Elle est donc moins contre-indiquée et coûte moins chère (hormis le coût de la machine en elle-même). La réponse au traitement peut toutefois demander plusieurs semaines à quelques mois et se traduit par environ 5% d’hyperrépondeurs. 

Au niveau européen, les experts soulignent l’avenir favorable de la SCP, au niveau subthalamique principalement [6]. « Il faut rappeler qu’elle présente l’intérêt de ne pas conduire à des lésions définitives et que les principales complications sont liées au matériel (complications intracrâniennes, explantation de matériel, révision de l’électrode...) et limitées à 1 à 4% des patients sur 5 ans, à mettre en regard des conséquences de la chirurgie lésionnelle qui sont plus fréquentes et plus définitives (paresthésie, parésie, ataxie…) » a complété le Dr Elodie Hainque (Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris). La SCP présente toutefois un certain nombre de limites : elle n’est accessible qu’à des patients sélectionnés sur des critères d’inclusion stricts et peut se compliquer par des infections, des évènements hémorragiques et impose une anesthésie générale. Par ailleurs, « son arrêt brutal peut conduire à un syndrome de sevrage non dopasensible et potentiellement à risque vital, chez les patients stimulés depuis longtemps » a rapporté Tatiana Witjas–Slucki. Enfin, la SCP est plus coûteuse, que ce soit en termes de matériel d’implantation, de temps d’hospitalisation et de réglage de la stimulation, car la période nécessaire pour adapter les paramètres de modulation est particulièrement longue. Son ajustement demande aussi une grande pluridisciplinarité.

Dans le domaine neurointerventionnel, les pratiques et l’expertise peuvent être très différentes d’une équipe à l’autre, d’un centre à l’autre, et même d’un pays à un autre. Aussi, les trois neurochirurgiens ont peu ou prou conclu à l’intérêt et au futur des deux approches : « rappelons que tous les pays n’ont pas les moyens de faire de la SCP, a souligné le Pr Stéphane Thobois (Hôpital Pierre Wertheimer, Lyon). Le choix thérapeutique est donc orienté au cas par cas selon l’âge, le terrain et le souhait du patient ».