JNLF 2023 – Actualités thérapeutiques dans les céphalées et algies vasculaires de la face
- Caroline Guignot
- Actualités Congrès
Après l’enregistrement successif de plusieurs anticorps monoclonaux anti-CGRP (calcitonin gene-related peptide) comme traitements de fond de la migraine sévère, la sécurité d’emploi en vie réelle commence à être mieux décrite. Le Dr Christian Lucas (Hôpital Salengro, Lille) a résumé les dernières données sur le sujet au cours d’une session des Journées de Neurologie de Langue Française (4-7 avril 2023, Lyon).
Du fait des propriétés vasodilatatrices connues du CGRP, l’influence des anticorps monoclonaux dans la régulation de la pression artérielle devait être décrite : une étude allemande [1] menée chez des femmes atteintes de migraine chronique et traitées par érénumab ou par fremanezumab a décrit une augmentation de la pression artérielle systolique et diastolique dans les deux groupes de traitement, soit une augmentation respective de 5,2 et 3,5mmHg. Au total, 3,7% des patientes qui n’étaient pas hypertendues initialement ont dû débuter un traitement antihypertenseur. « Cela doit nous inciter à surveiller la pression artérielle de nos patients placés sous anti-CGRP, mais plus largement, cela devrait dans tous les cas être une mesure systématique au cours de nos consultations » a insisté le neurologue. Et lorsqu’un traitement antihypertenseur doit être initié chez ces patients, « le choix doit être fait en faveur d’une molécule ayant un haut niveau de preuve dans la migraine, comme les bêta-bloquants ou le candesartan ».
De façon moins fréquente, des cas d’alopécie ont également été identifiés et ont été compilés dans une revue récente [2]: schématiquement, l’apparition de l’alopécie était rapide après initiation de l’érénumab, elle se maintenait après switch vers le framanezumab et avait conduit certains sujets à remplacer les anticorps monoclonaux par des gépants.
Enfin, concernant les triptans, les recommandations européennes publiées récemment suggèrent [3] qu’un patient soit défini comme résistant aux triptans en cas d’échec à au moins deux triptans et comme réfractaire en cas d’échec à au moins 3 triptans dont le sumatriptan sous-cutané. Ces définitions peuvent aider à optimiser le traitement aigu et à identifier les personnes éligibles à d’autres traitements de la crise, comme les futures classes des ditans et gépants.
Des données scientifiques à la vie réelle
L’utilisation de l'onabotulinumtoxinA (Botox®) dans le traitement préventif de la migraine chronique a fait l’objet d’une étude compilant les données en vraie vie sur 10 ans [4] : elles apparaissent rassurantes et conformes aux données des essais cliniques randomisés. Elles confortent l’intérêt à 6 mois et 1 an de la molécule qui réduit de 10 jours le nombre mensuel de jours de migraine. Les données prospectives suggèrent aussi une réduction de près de la moitié du nombre mensuel de jours de migraine chez près de 40% des patients traités.
Sur un plan pratique, l’eptinezumab est disponible depuis peu. Issu de la réserve hospitalière, le médicament ne peut être prescrit que par des neurologues hospitaliers en hospitalisation de jour. Dans ce contexte, la Société Française d'Etudes des Migraines et Céphalées (SFEMC) préconise un positionnement des prescriptions plus strict que celui de l’AMM afin de réduire le risque d’allongement des listes d’attente et afin d’amortir l’absence de remboursement des anticorps anti-CGRP sous-cutanés au niveau des établissements : aussi les experts suggèrent sa prescription après échec d’au moins trois traitements de fond à haut niveau de preuve parmi les traitements de fond majeurs (bêta-bloquants, amitriptyline, candésartan, topiramate) et le Botox. « Ces préconisations sont à présenter en amont au sein de la COMEDIMS de chaque établissement concernée par le sujet » a-t-il insisté, en préconisant de « réfléchir à une interaction neurologues-algologues et un maillage territorial pour favoriser l’accès au traitement à toutes, en l’absence d’hospitalisation de jour à proximité ».
Christian Lucas a par ailleurs insisté sur l’impact de l’alerte de sécurité concernant le topiramate chez les femmes enceintes : l’association entre l’exposition prénatale à l’antiépileptique et le risque d’autisme chez l’enfant a été clairement démontrée par une étude récente [5]. Or, le topiramate est recommandé dans la migraine chronique et est l’un des médicaments les plus facilement accessibles. L’alerte a été donnée mais elle a été plus faible que dans la communauté des épileptologues a regretté le spécialiste qui a souligné que des prescriptions de topiramate ont encore lieu, notamment initiées par les généralistes. Il est donc indispensable d’accroître l’information et la vigilance sur le sujet.
Enfin, au cours des prochains mois, s’annonce le retour des gépants dans la prise en charge des traitements de crise : le rimegepant (déjà disponible sous forme orodispersible pour le traitement de crise) devrait être commercialisé en France à partir de septembre 2023. D’autres molécules devraient lui succéder comme l’ubrogepant, et, à plus long terme les formes spray nasal (savegepant).
Quant à l’algie vasculaire de la face dont les formes chroniques sont difficiles à soulager, de nombreuses recherches sont conduites avec des anticorps monoclonaux anti-CGRP. Christian Lucas a tenu à rappeler l’étude académique française ( KETALGIA), actuellement en cours d’inclusion afin d’évaluer l’intérêt d’une perfusion combinée de kétamine (antalgique dans de nombreuses situations algiques) et de sulfate de magnésium pour les formes chroniques et réfractaires (définies par des patients ayant au moins 2 crises par jours, et en échec du vérapamil, du lithium et des infiltrations) : les premières données sont attendues pour 2024.
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