JFN 2021 – Le mythe du p’tit verre pour la santé est-il définitivement enterré ?

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Congrès
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Lors de son intervention aux Journées Francophones de Nutrition à Lille le jeudi 11 novembre 2021, Jean-Louis Schlienger est revenu sur un sujet qui reste toujours polémique…, à savoir les risques et bénéfices des boissons alcoolisées comme le vin, la bière et les spiritueux sur les maladies cardio-vasculaires.

En 1979, les résultats d’une étude publiée dans la revue Lancet1 avait montré de manière inattendue que bien que la France arrivait en tête de la consommation de vin, elle avait également la mortalité cardiovasculaire la plus faible parmi 18 nations. Le concept de « French paradox » était né.

Les études aux résultats contradictoires se sont ensuite enchaînées sur le sujet. Les résultats différaient pour un même breuvage – vin, bière, spiritueux – ou entre chacune de ces boissons. Ces études n’avaient cependant pas été initialement prévues pour évaluer cette association. 

En 2006, une étude danoise publiée dans le BMJ2, montrait une diminution de la mortalité et de l’incidence des maladies cardio-vasculaires avec une consommation modérée et régulière d’alcool, après ajustement rigoureux sur l’âge, le tabac, le niveau d’éducation, l’activité physique, l’IMC, la consommation de fruits, de légumes, de poissons et de graisses saturées.

2018 : fin du mythe du « petit verre pour la santé » !

En 2018, les données de 30 millions d’individus ont été analysées via l’étude Globen Burden of Disease Study3. Elle a permis d’observer que la consommation d’un seul verre d’alcool par jour (10 grammes) augmentait de 0,5% le risque de développer l’une des 23 maladies liées à l’alcool. Elle indiquait également que la consommation d’alcool serait le 7e facteur de mortalité et d’incapacité, et que l’alcool expliquerait à elle seule 2,2% de la mortalité féminine et 6,8% de celle des hommes. Mais encore une fois… les résultats se sont révélés être très disparates d’un pays à l’autre. Si le risque de mortalité par cancer et par mort violente était associé à la consommation d’alcool, et ce dès le premier verre, en revanche, un effet protecteur de la consommation de boissons alcooliques sur les maladies ischémiques cérébro-vasculaires était de nouveau souligné, en particulier en France. 

Plusieurs critiques ont été émises concernant cette étude, qui ne considérait pas la façon dont l’alcool était consommée, le contexte socio-culturel, la régularité de la consommation ou encore la nature des boissons. Le bénéfice de la consommation d’alcool sur l’IDM (infarctus du myocarde) chez les buveurs modérés à réguliers a quant à lui été confirmé par une étude internationale Interheart conduite sur des populations de 52 nations4. Chez les sujets à haut risque de récidive d’IDM, le fait de consommer de l’alcool de manière modérée et régulière protégerait vis-à-vis de la récidive d’IDM ; en revanche, les gros consommateurs avant l’IDM seraient plus à risque de récidive d’IDM. 

Boissons alcooliques et cardioprotection : vrai ou faux ?

Les données disponibles sont issues d’études observationnelles, nombreuses, globalement concluantes… mais sans démonstration de preuve de causalité. Or, dans le domaine, l’éthique ne permet pas d’envisager des études interventionnelles. Les chercheurs ont donc utilisé la randomisation mendéléienne, mais même avec ces méthodes les résultats sont contradictoires : les variants ADH18 et ADH1C du gène de l’alcool deshydrogènase, associés à une plus forte consommation d’alcool5, ont été associés à un effet néfaste sur la pression artérielle systolique (PAS) et l’indice de masse corporelle (IMC) ; en revanche, le variant rs1229984 du gène de l’ADH, associé à une moindre consommation d’alcool, a été associé à un effet bénéfique sur la PAS, l’IMC et le risque d’IDM6. Une étude plus récente, chinoise (n > 500.000)7, sur 9 génotypes des gènes ADH et ALDH fortement liés à la consommation d’alcool, a montré une dualité en fonction des méthodologies d’analyses utilisées :

  • Une association en « J » est retrouvée avec les études épidémiologiques traditionnelles entre la consommation d’alcool et le risque d’AVC ischémique, avec une diminution du risque jusqu’à une consommation d’environ 100g d’alcool/semaine, puis une augmentation linéaire du risque avec l’augmentation de la consommation d’alcool.
  • En revanche, l’utilisation d’analyses épidémiologiques basées sur la génétique, souligne qu’il existerait une association linéaire constante entre consommation d’alcool et augmentation du risque d’AVC ischémique.

Bref, la polémique sur le bénéfice sur le risque cardiovasculaire de la consommation d’alcool n’est pas encore close,…