JFN 2021 – Le lait maternel peut-il moduler la réponse immunitaire aux allergènes alimentaires dans la descendance ?
- Nathalie Barrès
- Actualités Congrès
Importance des allergies alimentaires chez l’enfant
Selon les données de l’Organisation Mondiale de la Santé, les maladies allergiques arrivent en 4e position des causes les plus fréquentes de maladies chroniques. Le mercredi 10 novembre 2021, aux Journées Francophones de Nutrition à Lille, Karine ADEL-PATIENT, Directrice de Recherche, UMR Université Paris-Saclay, CEA, INRAE « Médicaments et Technologies pour la Santé », est intervenue sur la composition du lait maternel en allergènes et cytokines dans le contexte des allergies alimentaires de l’enfant.
En France, les allergies alimentaires touchent 7 à 8% des enfants de moins de 3 ans et 3 à 4% de la population générale. Depuis 20 ans, leur prévalence et leur sévérité sont augmentation constante chez l’enfant. « Les allergies alimentaires sont des symptômes cliniques qui résultent d’une réponse immunitaire inappropriée dirigée contre une protéine alimentaire qui devrait être complètement tolérée par l’organisme » rappelle Karine ADEL-PATIENT. Elles résultent d’une dysfonction des barrières (intestinales, cutanées…) associée à une dérégulation immunitaire. Elles apparaissent durant les premiers mois de vie, ce qui laisse supposer une période périnatale à risque. Au cours de celle-ci, si la maturation des barrières ne se fait pas correctement, il y aura une prédisposition au développement d’allergies alimentaires. Plusieurs facteurs interviennent : le microbiote, les facteurs environnementaux et l’alimentation en début de vie, dont le lait maternel.
Évolution et composition du lait maternel
La composition du lait maternel se modifie dans le temps afin assurer une croissance optimale à l’enfant. Les recommandations préconisent actuellement un allaitement exclusif d’au moins 4 mois, idéalement 6 mois. Or, en France, ces recommandations sont encore trop peu souvent suivies. Les bénéfices de l’allaitement sont pourtant bien connus et portent sur le développement cognitif du nourrisson, la protection contre les infections, la prévention contre l’asthme, la dermatite atopique,... En revanche, les bénéfices de l’allaitement maternel sur les allergies alimentaires sont plus nuancés. Ceci pourrait être lié à la durée de l’allaitement et aux pratiques de sevrage.
Au long de l’histoire de l’humanité, le lait maternel a évolué et sa composition en agents bioactifs s’est modifiée. Ces composés peuvent être des facteurs anti-microbiens qui vont venir modifier l’immunité passive ; des facteurs de croissance et des nutriments qui vont participer à la maturation de la barrière intestinale ; des facteurs qui influençent la composition et la fonction du microbiote intestinal du nouveau-né ; des facteurs immunorégulateurs qui entrent dans la maturation du système immunitaire du nouveau-né et des antigènes alimentaires ingérés par la mère.
Sur ce dernier point, plusieurs études ont montré que le lait maternel pouvait en effet contenir des antigènes alimentaires (du lait de vache, de l’arachide, du blé, de l’œuf), des anticorps spécifiques des allergènes alimentaires et des complexes immuns anticorps spécifiques-allergènes alimentaires. L’ingestion par la mère d’antigènes alimentaires durant la lactation va contribuer à éduquer le nouveau-né à une certaine tolérance vis-à-vis de ceux qu’il rencontrera dans son environnement. Ainsi, la protection de la descendance face à l’allergie alimentaire pourrait dépendre du statut immunitaire de la mère, de l’ingestion d’allergènes par celle-ci durant l’allaitement et de l’excrétion dans le lait maternel d’allergènes alimentaires et de facteurs immunitaires.
Des études spécifiques menées sur le colostrum ont montré qu’il aidait le nouveau-né à compenser les défauts de réponses immunitaires effectives et qu’il diminuait la perméabilité intestinale. Il atténuerait également l’état pro-inflammatoire basal présent chez tous les nouveau-nés et l’aiderait à gérer la forte charge antigénique, qu’elle soit microbienne ou environnementale en limitant l’inflammation excessive. Ce colostrum pourrait finalement avoir plutôt un rôle immunologique, trophique et probiotique qu’un rôle nutritionnel.
Bientôt une meilleure compréhension de la composition du lait
Une étude est en cours à partir de la cohorte EDEN, qui a inclus 2.002 mères enceintes et dont les enfants ont été suivis durant plus de 6 ans - notamment vis-à-vis du développement des allergies alimentaires. Des échantillons de laits maternels ont été collectés et des analyses métabolomiques, lipidomiques et des mesures des oligosaccharides (HMO) présents dans le lait ont été réalisées. Ainsi, plus de 17.000 variables ont été mis en évidence et sont actuellement croisées avec des facteurs immunitaires, de croissance, des facteurs maternels et environnementaux. L’évolution dans le temps de tous ces éléments sera également étudiée. Les premiers résultats de ces analyses ont mis en évidence que les mères n’avaient pas le même type de lait, en termes de facteurs immuns, pour leur premier enfant que pour les suivants, et que le tabagisme, le lieu de vie et l’alimentation impactaient la composition de ce lait. Enfin la présence de certaines cytokines a pu être associée au développement d’allergies alimentaires chez l’enfant. Les analyses sont encore en cours et d’autres résultats importants sont attendus.
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