JFHOD 2022 - Cancer du côlon à haut risque : des données en faveur de l’arrêt précoce de l’oxaliplatine

  • Vincent Richeux
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  • Nathalie Barrès
  • Actualités Congrès
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Lors de la chimiothérapie standard indiquée après chirurgie du cancer du colon de stade III à haut risque, l’arrêt de l’oxaliplatine est possible après trois mois en cas de neuropathie, sans impact sur la survie sans récidive, ni sur la survie globale, selon une analyse portant sur plus de 10.000 patients. Les résultats ont été présentés lors des Journées francophones d'hépato-gastroentérologie et d'oncologie digestive (JFHOD 2022) [1].

Chez ces patients recevant six mois de chimiothérapie adjuvante combinant fluoropyrimidine et oxaliplatine (schéma FOLFOX ou CAPOX), « on peut arrêter l’oxaliplatine au-delà de six cycles de traitement, même en cas de neuropathie de grade 1 », a commenté le Pr Julien Taïeb (Hôpital européen Georges Pompidou, Paris), qui a dirigé l’étude, lors d'une conference de presse [2]. La fluoropyrimidine doit en revanche être maintenue jusqu’à la fin du traitement.

 

Risque de neuropathie irréversible

Dans la prise en charge du cancer du côlon de phase 3  avec envahissement ganglionnaire à haut risque (T4 et/ou N2), une chimiothérapie FOLFOX (5 fluoro-uracile et oxaliplatine) ou CAPOX (capecitabine et oxaliplatine) est indiquée pour une durée de six mois après chirurgie. Avec ce traitement adjuvant, le risque de récidive passe de 50 à 25%, a précisé le gastro-entérologue.

Utilisé dans les deux schémas thérapeutiques, l’oxaliplatine a l’inconvénient d’induire une neurotoxicité qui se traduit par des neuropathies (douleurs, picotements, pertes de sensations) potentiellement irréversibles. L’arrêt de l’oxaliplatine est préconisé en cas de neuropathie de grade 2 ou plus, mais il reste questionné dans cette indication dans les cas moins graves.

« L’oxaliplatine a une neurotoxicité cumulative. Dans un schéma de 12 cycles prévus pour six mois de chimiothérapie adjuvante, une neuropathie apparait en général entre le 6ème et le 12ème cycle », précise le Pr Taieb. Certaines sont bien tolérées, tandis que d’autres peuvent devenir rapidement invalidantes et définitives.

La méta-analyse IDEA a pu montrer que la durée de chimiothérapie adjuvante FOLFOX ou COLPOX peut être abaissée de six mois à trois mois sans perte d’efficacité dans le traitement du cancer du colon de stade III, mais seulement chez les patients présentant un risque de récidive plus faible. Pour les patients à plus haut risque, réduire la durée du traitement est à discuter au cas par cas.

 

L’arrêt complet non bénéfique 

Dans leur étude, la Dr Claire Gallois (Hôpital européen Georges Pompidou, Paris) et ses collègues ont voulu évaluer l’intérêt d’un arrêt précoce de l’oxaliplatine seule en comparaison avec un arrêt précoce de la chimiothérapie complète. Ils ont pour cela repris les données des 11 essais utilisés dans IDEA, ainsi que dans la méta-analyse ACCENT.

Les données concernent 10.447 patients traités par chimiothérapie adjuvante pour un cancer du côlon de phase III, dans deux tiers des cas avec un schéma FOLFOX. L’arrêt précoce de la chimiothérapie complète et de l’oxaliplatine seule a été défini comme un arrêt des traitements avant 75% des cycles prévus (≤ 9 cycles pour FOLFOX six mois et ≤6 cycles pour CAPOX six mois).

Un arrêt précoce de la chimiothérapie complète a concerné 21% des patients, tandis que l’oxaliplatine seule a été interrompue chez 19% d’entre eux. L’arrêt de traitement concerne plus souvent les femmes, les plus de 65 ans et les individus de faible corpulence (IMC<18,5). Il s’observe davantage avec le régime de chimiothérapie CAPOX, connu pour être moins bien toléré.

Après ajustement multifactoriel, l’analyse montre que l’arrêt précoce de la chimiothérapie complète a un net impact sur la survie sans maladie à trois ans (69% contre 79% chez les patients qui ont eu six mois de traitement). Concernant la survie globale à cinq ans, les résultats sont aussi en faveur du maintien du traitement (75% vs 85%).

 

Au minimum trois mois

« Finalement, ce sont les patients recevant 100% des cycles de chimiothérapie qui présentent le meilleur pronostic. Plus le nombre de cycle diminue, moins le pronostic est bon », même lorsque plus de 75% des cycles prévus ont été administrés, a commenté la Dr Gallois, lors de sa présentation.

Une analyse de sous-groupes montre que le pronostic ne change pas en cas d’arrêt précoce de la chimiothérapie uniquement chez les patients à bas risque sous CAPOX. C’est d’ailleurs le schéma standard désormais préconisé pour un chimiothérapie de trois mois chez ces patients après les résultats de la méta-analyse IDEA, a précisé la Dr Gallois.

En revanche, concernant l’arrêt précoce de l’oxaliplatine seule, l’analyse ne montre pas de différence significative avec le maintien du traitement sur la survie sans maladie à trois ans (77,2% vs 78,3%) et sur la survie globale à cinq ans (83% vs 84%), dans le groupe à faible risque, comme que dans le groupe à haut risque, qu’importe le schéma employé.

Toutefois, alors que le pronostic apparait similaire entre les patients recevant 100% des cycles d’oxaliplatine et ceux recevant 50% et plus des cycles, la survie sans maladie à trois ans est abaissée chez ceux qui ont reçu moins de 50% des cycles (respectivement 78,3%, 78,1% et 74,1%).

 

Pas en faveur d’un arrêt systématique 

Lorsqu’une prescription d’une chimiothérapie adjuvante de six mois a été décidée pour traiter un cancer du colon de stade III, « arrêter l’oxaliplatine après trois mois chez les patients développant une neuropathie de grade 1-2 semble être une option valide sans entrainer d’impact pronostique », a conclu la gastro-entérologue.

En fin de session, elle a précisé lors d’un échange que l’analyse ne permet pas de valider un arrêt systématique de l’oxaliplatine après trois mois de bithérapie. « On est seulement en mesure de rassurer sur l’intérêt de stopper le traitement dès qu’apparait une neuropathie, qui peut altérer la qualité de vie du patient à long terme ».

Cet article a été écrit par Vincent Richeux et initialement publié sur Medscape.