JFHOD 2018 - Chez qui peut-on envisager une chimiothérapie adjuvante dans le cancer du rectum ?
- Nathalie Barrès
- Actualités Congrès
Que retenir ?
Au cours de son intervention, Eric François est revenu sur les études disponibles pour évaluer l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante dans le cancer colorectal. Finalement en synthèse, il faut retenir « qu’il n’existe pas de preuve de haut niveau : l’association fluoropyrimidine-oxaliplatine semble utile pour les stades ypIII ; pour les stade ypII, on pourrait imaginer des traitements par fluoropyrimidine cependant il s’agit de patients ayant un bon pronostic, donc cela reste de fait discutable ».
Pourquoi c’est important ?
Il était utile de faire le point sur les preuves disponibles à ce jour pour proposer une chimiothérapie adjuvante du cancer du rectum. Les études menées au cours des trente dernières années ont permis de mettre en évidence des bénéfices sur la récidive locale, la conservation sphinctérienne et la conservation d’organes. En revanche, la quasi-totalité des études basées sur le traitement néoadjuvant ou adjuvant a échoué à améliorer la survie globale, la survie sans récidive et à démontrer un impact sur les récidives métastatiques.
Principales données en faveur de l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante dans le cancer du rectum ?
La dernière méta-analyse sur le sujet (Petersen SH, Cochrane Database Syst Rev, 2012) a évalué 21 essais de phase 3 publiés entre 1975 et 2011, soit 9.785 patients, avec analyse de la survie sans récidive chez 8.530 patients et de la survie globale chez 9.222 patients. Les résultats montrent que la chimiothérapie adjuvante est bénéfique dans la chirurgie du rectum, mais les études sont anciennes, avant la chirurgie TME, à une époque où le taux de récidives locales était très important (entre 25 et 40%). Donc ces études seraient très discutables au regard des techniques et des pratiques actuelles. Beaucoup d’autres études ont été réalisées au Japon, où la prise en charge est totalement différente de la France. Enfin, une autre méta-analyse (Breugom A. Lancet Oncol, 2015) montre à partir de données individuelles d’environ mille patients (porteurs de tumeurs localement évoluées, que la chimiothérapie ou radiochimiothérapie néo-adjuvante n’améliore pas la survie sans récidive (HR 0,91 [0,77-1,07], p=0,230), ni la survie globale ou l’incidence cumulée de l’atteinte métastatique. Donc les études anciennes sont positives mais discutables et les études récentes sont négatives.
Peut-on aller jusqu’à dire que la thérapie adjuvante n’a aucun intérêt dans le cancer du rectum ?
Finalement difficile de trouver des preuves de bénéfice. L’étude EORTC 22921, qui est un essai de phase 3, plan factoriel 2x2, a comparé dans les cancers du rectum localement évolués (cT3-T4) la radiothérapie préopératoire à la radiochimiothérapie préopératoire, et, en postopératoire, la chimiothérapie adjuvante vs pas de chimiothérapie adjuvante : elle n’a pas montré de différence même avec dix ans de recul, sauf en analyse rétrospective de données– ce qui est peut être discutable en termes méthodologiques.
Quelles sont les études de polychimiothérapie avec oxaliplatine ?
Trois études contrôlées ont été réalisées. L’étude allemande CAO/ARO/AIO-04 (Rödel C. Lancet Oncol, 2012) qui a comparé dans les cancers du rectum tiers inférieur-tiers moyen, localement évolués (cT3/4 et cN+), une stratégie préopératoire de radiothérapie associée à du 5FU seul ou 5FU + oxaliplatine. L’objectif principal qui était d’améliorer la survie sans récidive à 3 ans de 75 à 82% a été atteint (HR 0,79, p=0,03). En revanche, il n’y a pas eu d’amélioration de la survie globale (HR 0,96, NS).
L’étude PETACC 6 (Schmoll HJ et al. ASCO 2013, A 3531), (n=1.094 patients, T3-4, +/-N+) a comparé la survie sans métastase d’une stratégie de radiothérapie associée à la capécitabine (CAP) à CAP + oxaliplatine hebdomadaire (50 mg/m2 J1/8/22/29 puis 130 mg/m2 toutes les 3 semaines). Les résultats ne montrent pas de différence entre les deux bras. L’oxaliplatine n’apporte rien en termes de bénéfice clinique.
La troisième étude randomisée coréenne ADORE (Hong et al. Lancet Oncol 2014), est une étude de phase 2-3, qui associe en préopératoire la radiothérapie à la fluoropyrimidine. Puis 320 patients stade II et III ont été traités en post-opératoire par FUFOL (Mayo clinic) x 5 ou FOLFOX-4s x 8. Les résultats montrent que la survie sans récidive est meilleure dans le groupe FOLFOX que dans l’autre groupe (HR 0,657 [0,434-0,994], p=0,047). On passe d’une survie à 3 ans de 62,9% à 71,6%. Mais la méta-analyse de ces trois études (Bujko K. Eur J Surg Oncol 2015) ne montre pas de significativité sur la survie sans récidive. Donc c’est assez décevant. Finalement, seuls les stades III tirent un bénéfice de l’association oxaliplatine-fluoropyrimidine dans l’étude ADORE.
Donc quels sont les facteurs décisionnels ?
Dr Eric François : « L’imagerie pré-thérapeutique nous aide à prendre la décision du traitement néoadjuvant. Nous sommes tous influencés par les résultats de l’IRM, de l’échographie endorectale, mais la valeur pronostique de l’imagerie pré-chirurgicale reste médiocre ». Selon l’orateur, le stade ypTNM, le grade de la régression et la qualité de la résection chirurgicale (perforation tumorale, résection du méso incomplète, …) sont les vrais éléments d’aide à la prise de décision d’une chimiothérapie postopératoire.
Quelle durée pour la chimiothérapie ?
Il n’existe aucune donnée dans la littérature. On peut se baser sur les données de l’étude IDEA pour faire des traitements de 3-4 mois en prenant en compte que les patients ont déjà reçu un traitement pré-opératoire.
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