Ivermectine et lotilaner, bientôt de nouvelles options thérapeutiques dans la lutte contre les poux

  • Lamassiaude N & al.
  • PLoS Pathog

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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À retenir

  • L’ivermectine et le lotilaner ont une puissante action pédiculicide contre les poux de corps adultes, avec une supériorité du lotilamer sur l’ivermectine. Les poux de corps et de tête ayant un patrimoine génétique très proche, ces molécules devraient être efficaces sur l’un comme sur l’autre.
  • Ces résultats mettent notamment en lumière le fort potentiel pédiculicide du lotilaner, un insecticide de la famille des isoxazolines, qui devrait occuper une place importante dans les années à venir dans le contrôle des infestations chez l’homme, seul ou en association à l’ivermectine. Son innocuité reste toutefois à démontrer.

 

Même si les produits asphyxiants sont aujourd’hui largement utilisés (les seuls disponibles sur le marché OTC français depuis décembre 2018), le contrôle de l’infestation par les poux reste toujours difficile à obtenir car l’efficacité de ces traitements est très dépendante de leur bon usage, et s’avère limitée sur les lentes. Les insecticides chimiques sont toujours recommandés par l’Académie de pédiatrie aux Etats-Unis, mais les nombreuses résistances rapportées et les effets toxiques possibles sur les enfants comme sur l’environnement poussent à rechercher de nouvelles alternatives. L’ivermectine, appartenant à la famille des lactones macrocycliques, possède des propriétés neuroactives à large spectre chez les invertébrés et une faible toxicité chez les mammifères. Elle est la seule molécule utilisée par voie orale dans le traitement des poux de corps dans certains pays (hors AMM en France), mais des résistances ont déjà été observées. D’autres molécules pédiculicides sont donc activement recherchées, notamment parmi celles dérivées de la classe des isoxazolines, qui ont montré une efficacité contre des ectoparasites (puces et tiques) présents chez l’animal de compagnie, avec un bon profil de sécurité. Pour aller plus loin, des chercheurs de l’INRAE et de l’Université de Tours ont étudié le mode d’action de l’ivermectine et d’une isoxazoline, le lotilaner, afin de déterminer leur efficacité sur les différents stades de la croissance des poux et, in fine, éventuellement envisager leur utilisation en santé humaine.

Méthodologie

Les chercheurs ont étudié in vitro la sensibilité aux insecticides des récepteurs au glutamate et au GABA des poux de corps (Pediculus humanus humanus, génétiquement proche du pou de tête), des canaux ioniques ligand dépendants qui sont la cible des insecticides. Rappelons que ces deux molécules, glutamate et GABA, sont les principaux neurotransmetteurs inhibiteurs du système nerveux des invertébrés. Pour cela, ils ont exprimé différents transcrits de ces récepteurs dans des ovocytes de Xénope (crapaud), un modèle qui facilite les mesures électrophysiologiques et qui permet de caractériser les propriétés pharmacologiques et biophysiques de ces canaux, et en particulier leur sensibilité aux insecticides. Puis les chercheurs ont testé l’efficacité de l’ivermectine et du lotilaner sur des poux de corps d’élevage.

Résultats

  • Ils ont ainsi pu démontrer l’activité pédiculicide de l’ivermectine et mettre en évidence son mode d’action passant par l’activation des récepteurs au glutamate et dans une moindre mesure celle des récepteurs GABA (sous-unité RDL responsable de la résistance aux insecticides). 
  • L’action du lotilaner, une isoxazoline, a également été décryptée. Il agit en bloquant sélectivement la sous-unité RDL des récepteurs GABA, mais pas le récepteur au glutamate. Un mode d’action différent de celui de l’ivermectine et qui suggère que le lotilamer, et de façon plus générale les isoxazolines, ne devraient pas être concernés par la résistance à l’ivermectine.
  • L’efficacité du lotilamer a ensuite été testée sur différents stades du développement de pou de corps. Et son efficacité est apparue plus importante sur le stade adulte que celle de l’ivermectine (100% des adultes tués en 3h contre 24h pour l’ivermectine), suggérant même que la prise d’une seule dose orale pourrait exercer une activité pédiculicide durant plus de 17 jours, soit une durée dépassant celle du cycle de vie du pou, un élément clé pour éliminer les lentes moins sensibles au produit et qui dans ce cas auraient le temps d’éclore et d’y être exposées, évitant ainsi les réinfestations.