Intelligence et maladies : tout n’est pas génétique

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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Le développement des études génétiques a créé des attentes excessives en matière de prédiction des risques pathologiques ou des capacités cognitives. Ces attentes ont été exploitées par certaines sociétés commerciales, voire reprises par certains scientifiques, qui ont publié des études « aux résultats questionnables », comme l’expriment deux chercheuses de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Les travaux mis en cause reposent sur des études GWAS (genome-wide association studies, ou études d’association pangénomique), qui consistent à rechercher des corrélations entre un trait (par exemple, la taille ou une maladie) chez un groupe d’individus et un ou des marqueurs génétiques. De nombreuses études ont été conduites ainsi à propos de maladies complexes (schizophrénie, cancer du sein, pathologies coronariennes, etc). Le célèbre score de QI (quotient intellectuel) en est aussi une illustration, alors que, corrélation génétique ou pas, il a été montré qu’il n’a de toute façon aucune validité scientifique.

Le problème est que beaucoup d’études GWAS d’une part, reposent sur des hypothèses fausses, d’autre part, font l’objet d’interprétations abusives.

1. Des hypothèses fausses

Elles ont été proposées en 1965, par Douglas Scott Falconer, qui est d’ailleurs revenu peu après sur certaines d’entre elles. Elles sont au nombre de trois.

  • Aucun facteur d’environnement joue un rôle important dans l’expression du trait.
  • Les individus étudiés sont exposés de manière aléatoire aux facteurs d’environnement.
  • Les facteurs d’environnement n’interagissent pas avec l’expression du génome.

Ces hypothèses sont « en totale contradiction » avec les connaissances biologiques acquises depuis un demi-siècle. Il suffit de penser au rôle de l’alimentation, des consommations d’alcool ou de tabac et plus largement de l’hygiène de vie.

2. Des interprétations abusives

Une corrélation ne vaut pas preuve. Cette dernière ne peut être apportée que par des études familiales et fonctionnelles qui sont les seules à pouvoir faire la différence avec l’influence d’un facteur environnemental. Les chercheurs donnent l’exemple trivial de la consommation de beurre salé, bien plus élevée en Bretagne que sur le reste du territoire métropolitain. Les études GWAS n’auraient aucun mal à retrouver une foule de marqueurs génétiques associés, en faisant l’impasse sur les facteurs culturels. Plus sérieusement, l’impact de ces interprétations peut avoir des conséquences importantes en clinique, notamment sur le calcul des scores de risque. Ainsi, le cancer du sein est plus fréquent chez les femmes ayant un indice de masse corporel élevé, qui dépend essentiellement de facteurs environnementaux.

Les conséquences peuvent aussi être graves sur le plan éthique, quand elles conduisent à valoriser tel groupe social sur tel autre, favorisant des conceptions racistes ou eugéniques. De nombreux auteurs se sont indignés à raison de ces dérives. Mais pour les deux chercheuses de l’Inserm, il ne faut pas sous-estimer que le problème de fond est celui « de l’acceptation aveugle d’un modèle génétique erroné et de ses interprétations abusives. »

Cela étant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Utilisées correctement, les technologies génétiques ont permis de « mettre en évidence le rôle de certains gènes ou de réseaux de gènes agissant en interaction dans la physiopathologie de maladies à étiologie complexe. » Elles contribuent utilement au progrès des connaissances.