Insuffisance cardiaque aiguë : mieux appliquer les recommandations ne suffit pas

  • Freund Y & al.
  • JAMA

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’articles
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Messages principaux

  • Selon l’essai randomisé français ELISABETH, la prise en charge précoce et conforme aux recommandations relatives à l’insuffisance cardiaque aiguë n'améliore pas de manière significative le nombre de jours en vie et hors de l'hôpital à J30, qui reflète indirectement la mortalité précoce. La durée d'hospitalisation ou la réadmission à l'hôpital dans les 30 premiers jours n’étaient pas non plus améliorées. Pourtant, une amélioration significative de certaines des bonnes pratiques a été observée. Cette étude justifie de nouvelles investigations afin de déterminer les traitements qui seraient plus efficaces pour les personnes âgées concernées.

 

Certaines des préconisations issues des recommandations internationales sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) sont fondées sur de faibles niveaux de preuve, tandis que l’application de ces textes a été décrite comme insuffisante en pratique clinique. Il semble ainsi que différents éléments, comme le délai de mise en œuvre de thérapeutiques comme les nitrates, ou la prise en charge des facteurs précipitant l'événement soient souvent non optimisés. L’étude française randomisée ELISABETH a souhaité évaluer si une meilleure application des traitements recommandés dans la prise en charge de sujets âgés se présentant aux urgences pour un épisode d’ICA pouvait améliorer leur pronostic.

Méthodologie

L’étude randomisée menée en « stepped wedge » a été menée dans 15 services d’urgence hospitaliers par des équipes du réseau SKIP-ICU (Strategies to keep severely ill patients away from ICU). Tous les sujets de 75 ans ou plus se présentant avec une ICA (sans comorbidité aiguë associée) devaient être inclus entre décembre 2018 et septembre 2019 avec un suivi à J30 jusqu’en octobre 2019. Durant une période initiale de 4 semaines, les équipes menaient la prise en charge conformément à leur pratique habituelle. Ensuite, toutes les 2 semaines, un centre devait implémenter sa pratique pour appliquer un protocole de soins calqué entièrement sur les recommandations internationales (ordre des centres déterminés par randomisation, formation des équipes lors du basculement). Le protocole de soins intégrait un traitement symptomatique précoce intensif par diurétiques et dérivés nitrés en intraveineux et la recherche et le traitement des facteurs précipitants (syndrome coronaire aigu, infection, fibrillation auriculaire...).

Principaux résultats

Au total, 502 patients ont été inclus, dont 303 dans le groupe contrôle et 199 ayant bénéficié de pratiques optimisées. L'âge médian était de 87 ans (59% de femmes, 54% avec une insuffisance cardiaque chronique déjà diagnostiquée). Ils présentaient un profil clinique similaire (sévérité de la congestion pulmonaire, fréquence respiratoire, pression artérielle...).

Les patients du groupe aux pratiques optimisées ont plus souvent bénéficié de nitrates IV (96% vs 25%, soit une différence ajustée de 71% [62-80]), à posologie plus élevée (27,0 mg  vs 4,0 mg à 4 heures suivant le début de la prise en charge), et plus souvent de diurétiques (98% vs 90%). Pour les patients ayant présenté un facteur précipitant (soit 45%), la prise en charge de ce dernier a été plus fréquente dans le groupe intervention (58,8% vs 31,9%).

Malgré ces observations, il n'y a pas eu de différence statistiquement significative en termes de nombre de jours en vie et hors de l'hôpital à J30 (19 jours dans les deux groupes, différence ajustée -1,9 et ratio ajusté 0,88, non significatifs). La mortalité globale (8,0% vs 9,7%) ou cardiovasculaire (5,0% vs 7,4%), le taux de réadmissions non programmées (14,3% vs 15,7%) ou la durée médiane du séjour à l'hôpital (8 jours dans les deux groupes) n’étaient pas statistiquement différente dans les deux groupes, suggérant que les préconisations thérapeutiques issues des recommandations doivent être réévaluées.