Le Congrès du sommeil 2022 - Insomnie : réduire la veille plutôt que favoriser le sommeil

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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Le congrès du sommeil qui s’est tenu à Lille du 23 au 25 novembre 2022 a consacré une session à la description du système orexine/ hypocrétine, et les alternatives thérapeutiques qui en découlent.

Les orexines A et B (encore appelée hypocrétine 1 et 2) ont été décrites pour la première fois il y a une vingtaine d’années. Ces neuropeptides sont tous les deux synthétisés à partir de la prépro-orexine au sein d’une sous-population de neurones hypothalamiques. Elles activent deux récepteurs de l’orexine couplés aux protéines G (OX1R et OX2R) qui favorisent l’ouverture des canaux calciques. Progressivement, ce système est apparu comme étant le chef d’orchestre des structures cérébrales en charge de l’éveil. L’activité de décharge de ces neurones est élevée quand l’individu est en situation de veille active, et elle est moindre lorsqu’il est en situation d’éveil calme et a fortiori pendant la phase de sommeil.

Chez l’humain, il a été rapidement décrit que dans la narcolepsie, une maladie rare associée à une cataplexie, l’orexine est déficiente. Ainsi, la diminution des neurones orexine se traduit par une absence de stimulation des circuits cérébraux liés à l’éveil et conduit au phénomène d’hypersomnolence. Dans l’insomnie, les systèmes d’éveil semblent rester activés au cours de l’endormissement, mais il n’est pas établi si cela est lié à des troubles de l’orexine ou d’autres voies. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle voie de régulation des systèmes veille-sommeil a permis d’envisager de nouvelles approches du traitement de l’hypersomnolence et de la narcolepsie, ainsi que de l’insomnie chronique.

Plusieurs antagonistes des récepteurs de l'orexine ont été développés et évalués cliniquement dans la prise en charge de l’insomnie. L’objectif est de disposer de molécules à demi-vie brève qui permettraient d’abaisser l’éveil à l’endormissement sans entraîner de sédation au matin. Leur avantage serait aussi de conserver les « wake bouts » qui permettent l’éveil en cas d’alerte durant la nuit (contrairement aux hypnotiques) et d’améliorer l’état des patients en journée (moins de fatigue, d’irritation...). Le premier DORA (antagoniste double des récepteurs de l’orexine) disponible en France est le daridorexant, de nombreuses autres sont disponibles hors Europe, ou sont en développement clinique avancé. Ces médicaments devront trouver leur place dans les modalités de prise en charge de référence de l’insomnie chronique, parmi lesquels les thérapies cognitivo-comportementales de l’insomnie restent l’alternative de première intention.

Dans le traitement de la narcolepsie de type 1 (liée à une carence en orexine) ou les autres causes d’hypersomnie ou hypersomnolence centrales, cette classe thérapeutique constituerait aussi un espoir afin d’améliorer l’éveil, diminuer la somnolence diurne, les attaques de sommeil et les cataplexies. Leur développement se heurte en revanche aux difficultés à mettre au point des molécules ayant une longue demi-vie et aptent à passer la barrière hémato-encéphalique mais plusieurs molécules ont été testées et semblent prometteuses. Les posologies et fenêtres d’administration doivent cependant encore être optimisées.

Enfin, au-delà des troubles du sommeil, certaines suggèrent qu’il existe une relation entre l’accumulation de protéine amyloïde et le système orexinergique au cours de la veille. Des études explorant les mécanismes sous-jacents sont évidemment à l’étude.