Insomnie : faisabilité de la restriction de sommeil délivrée par les infirmières en soins primaires

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon une étude pragmatique britannique, la thérapie brève de restriction du sommeil dispensée par une infirmière de soins primaires spécialement formée permet d’améliorer la qualité du sommeil autodéclarée et objectivée par actigraphie. Plusieurs critères secondaires étaient également améliorés, dont l’intensité des symptômes dépressifs, la qualité de vie liée à la santé mentale et au sommeil. 
  • Les auteurs estiment que cette thérapie brève pourrait ainsi constituer la première étape d'une approche par paliers dans le traitement de l'insomnie en soins primaires.

Pourquoi est-ce important ?

La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est le traitement de première intention de l'insomnie, mais son accès reste difficile et limité. La restriction de sommeil est l’une des composantes des TCC qui vise à restreindre et régulariser le temps passé au lit afin de consolider et stabiliser le sommeil en travaillant sur les comportements acquis, comme l'allongement du temps passé au lit ou le recours aux siestes diurnes. Les données de la littérature montrent que cette seule intervention brève peut améliorer les symptômes liés à l’insomnie et réduire le recours aux hypnotiques, mais son efficacité dans le contexte de soins primaires n’a fait l’objet que d’une seule étude, au sein d’une cohorte limitée non traitée par hypnotiques. Cette étude permet de renforcer le niveau de preuve auprès d’une cohorte plus représentative de la pratique, et permet également de mettre en exergue une approche cliniquement et médico-économiquement faisable en vie réelle en recourant aux compétences de paramédicaux spécialement formés pour l’occasion.

Méthodologie

HABIT est un essai contrôlé randomisé, ouvert, pragmatique qui a enrôlé des patients britanniques ayant une insomnie selon les critères DSM-5 (exclusion des femmes enceintes et patients ayant des pathologies pouvant inférer avec le sommeil) et reçus par leur médecin généraliste. À l’inclusion, ils recevaient des conseils sur l'hygiène du sommeil puis étaient randomisés entre une prise en charge conventionnelle de l’insomnie seule ou associée à des séances de thérapie brève de restriction du sommeil (une séance par semaine pendant quatre semaines, délivrée par une infirmière de soins primaires ayant reçu une formation spécifique de 4 heures). Ils devaient ensuite remplir des questionnaires, un agenda du sommeil et utiliser une montre actigraphique. Le critère principal de l’étude était la variation moyenne de la sévérité de l'insomnie auto-déclarée selon le score ISI à 6 mois (coté de 0 à 28, les valeurs élevées indiquant des symptômes plus sévères).

Principaux résultats

Au total, 642 personnes ont été incluses dans cette étude (âge moyen 55,4 ans, 76,2% de femmes, score ISI moyen de 17,5 et ancienneté médiane de l'insomnie de 10 ans). Au total, les trois quart de la cohorte avaient déjà consulté leur médecin pour insomnie, et un quart avaient déjà reçu une prescription spécifique. Un patient sur deux avait un score de dépression significatif (score Patient Health Questionnaire-9 PHQ-9≥10). Parmi les patients recrutés, la grande majorité a assisté à au moins une séance de thérapie brève (92,2%), et ils étaient 64,5% à avoir participé aux quatre sessions.

À 6 mois, la sévérité de l'insomnie est plus faible dans le groupe ayant bénéficié de la thérapie brève ( différence -3,05 [-3,83 à -2,28], p<0,0001). Les données à 3 mois et à 12 mois allaient dans le même sens. Ils étaient respectivement 42,0% et 16,8% dans les groupes thérapie brève et contrôle à répondre aux critères d'une réponse cliniquement significative.

Par rapport à ceux du groupe contrôle, tous les paramètres de l'agenda du sommeil étaient significativement améliorés à 6 et 12 mois (hormis la latence d'endormissement à 12 mois). À 6 mois, l'efficacité du sommeil et le temps d'éveil après l'endormissement ont été améliorés selon les données d’actigraphie. Le groupe thérapie a également rapporté une meilleure qualité de vie liée à la santé mentale (SF-36 MCS), liée au sommeil (GSII) ainsi qu’une meilleure productivité au travail, tandis qu’il déclarait moins de symptômes dépressifs (PHQ-9) et d’absentéisme. À 6 mois et 12 mois, l’amélioration de la qualité de vie liée à la santé physique n’était plus significative.

Le coût moyen de la thérapie brève était de 52,60 £ par patient. La probabilité qu’elle soit médico-économiquement rentable selon le seuil défini par le NICE était de 95,3%.