Infirmières de pratique avancée : un métier fragile
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
Les députés et sénateurs de la commission mixte paritaire examinant la proposition de loi « portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » (dite loi Rist) ont abouti à un accord dont deux mesures concernent directement les médecins. D’une part, ils suppriment les dispositions relatives à l’engagement territorial des médecins, proposé par la Caisse nationale d’assurance maladie, mais rejeté par l’ensemble des syndicats médicaux. D’autre part, ils maintiennent la possibilité pour les patients d’un accès direct aux infirmiers de pratique avancée (IPA), avec une importante restriction : il est « réservé aux professionnels exerçant au sein d’une maison de santé pluridisciplinaire, d’un centre de santé ou d’une équipe de soins primaires ou spécialisé », c’est-à-dire aux structures d’exercice coordonné « les mieux intégrées, partageant une patientèle commune » et témoignant d’une « coopération effective entre soignants. » Par ailleurs, une expérimentation d’accès direct est lancée pour les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé). Pour le Sénat, il s’agit « d’une voie raisonnable, susceptible d’apaiser les tensions entre professionnels. »1
Il se trouve que l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) publie à peu près en même temps (avril 2023) un travail sur les IPA au titre évocateur : « La construction difficile d’une profession à l’exercice fragile. »2 Ses auteures rappellent que la création de ce nouveau métier « a suscité une opposition forte de la part des représentants des médecins, mais aussi des infirmières, aboutissant à un cadre d’exercice sous contrôle des médecins et à un modèle économique précaire. » De fait, très peu d’entre elles parviennent à un exercice exclusif d’IPA, la plupart continuant une activité de soins plus classique ou s’orientant vers la coordination des parcours de soins. En effet, leur file active est le plus souvent insuffisante pour leur permettre une rémunération satisfaisante, se limitant à quelques dizaines de patients et du fait d’un forfait patient au montant faible. De plus, il s’agit de patients chronophages (« complexes »), à cause de la réticence des médecins à leur adresser des patients plus « simples », pour ne pas perdre de revenus, d’après les IPA interrogées. Aucune activité prévue dans les textes et indépendante des médecins n’a pu être mise en œuvre.
À cela s’ajoute de nombreux problèmes administratifs et de grandes difficultés à communiquer sur l’intérêt de leur métier avec les médecins, les pharmaciens et bien souvent les collègues infirmiers. Il ne s’agit pas d’un problème générationnel, mais de culture professionnelle. Les IPA soulignent que les médecins travaillant avec elles sont « souvent engagés dans la réforme des soins primaires, ont un rôle moteur de création et d’animation au sein de structures pluriprofessionnelles. » Mais le fait que des médecins travaillent dans ces structures n’est pas une garantie de leur acceptation des IPA. Le fait d’avoir une proximité sociale avec les médecins (par leur réseau familial ou amical) facilite les relations avec eux.
Les auteures concluent que les IPA entrent en fait en concurrence avec les généralistes sur deux aspects majeurs de leurs pratiques respectives, revendiqués des deux côtés : le relationnel et la coordination (la gestion du parcours de soins).
Il vaut sans doute la peine de noter qu’il y a actuellement plus de 98.000 infirmières libérales en activité en France. Parmi elles, les auteures estiment qu’il y avait 122 IPA au premier trimestre 2022. Il faut y ajouter les infirmières salariées du dispositif Asalée, dont le nombre exact n’a pas pu être établi. Si les IPA sont une promesse ou une menace, l’une et l’autre sont encore bien modestes.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé