Les résultats d’immunogénicité de la phase 3 d'un nouveau vaccin quadrivalent ACWY, le MenQuadfi® (Sanofi) sont prometteurs chez des jeunes enfants en bonne santé. A la différence des autres vaccins quadrivalents, les taux d’anticorps obtenus contre le méningocoque C en primo-vaccination sont comparables aux meilleurs vaccins monovalents de ce sérogroupe, ce qui n’était pas le cas des vaccins quadrivalent précédents. « Cette étude confirme que la protection des jeunes enfants contre les IIM (ndr : infections invasives à méningocoques) peut être étendue à davantage de sérogroupes (AWY), sans risque de compromettre la protection contre le sérogroupe C » indique le laboratoire Sanofi dans un communiqué. Plusieurs pays européens recommandent déjà l'utilisation des vaccins quadrivalents, en début d’adolescence et à un an, ce n’est pas encore le cas en France. L'augmentation de l'incidence des infections aux sérogroupes W et Y observée ces dernières années pourrait changer la donne.
L'occasion de faire le point sur les infections invasives à méningocoque avec le Pr Robert Cohen (pédiatre infectiologue, CHI de Créteil).
Quelle est à la situation épidémiologique actuelle des infections invasives à méningocoques ?
Pr Robert Cohen : Au cours des quelques années qui ont précédé l'arrivée de la pandémie Covid, on assistait une baisse régulière des IIM, liée, d’une part, à l'introduction de certains vaccins, comme celui contre le méningocoque C, et d'autre part aux fluctuations naturelles de la maladie. Quand la Covid est arrivée, les mesures d'hygiène, le port du masque, la distanciation sociale et le confinement imposés pendant la première année de l'épidémie ont entraîné un effondrement des infections à méningocoque. En 2021, il y a eu un relâchement bien naturel de ces mesures et une remontée assez brutale des IIM attribuée en grande partie à la dette immunitaire. Cela dit, les IIM n'ont pas encore atteint les chiffres de 2018 et 2019 en France. Concernant les sérogroupes, quelque que soit l'âge des enfants et des adolescents jusqu'à 20 ans, c'est toujours le méningocoque B qui prédomine. Mais parmi les autres sérogroupes (en France, C, W,Y), le C s'est effondré du fait de la vaccination (les couvertures vaccinales sont excellents chez les petits, moins bons chez les adolescents), par contre les sérotypes Y et W augmentent. Ces deux sérogroupes sont émergents chez le nourrisson mais encore plus chez l'adolescent où ils sont responsables de 40% des IIM, contre 20% chez l'enfant.
A quel âge de la vie les infections à méningocoques sont-elles les plus fréquentes ?
Pr Cohen : Le pic de fréquence de la maladie est maximum dans les deux premières années de vie et descend progressivement jusqu'à atteindre un taux relativement faible à partir de 4-5 ans. De 4-5 ans jusqu'à 14 ans, le taux d'infection à méningocoque, quel que soit le sérogroupe, est faible. Il y a dix fois plus d'infections à méningocoque à un an qu'à cinq ans. Dans l'adolescence, de 14 ans à 24 ans, le taux d'infection remonte sans toutefois atteindre le pic de la petite enfance. Si le risque d'infection est de 3-4 fois supérieur à celui après 5 ans, on n'assiste pas à un deuxième pic mais plutôt à un dôme qui commence vers 13-14 ans et se poursuit vers 24 ans.
Quelles sont les conséquences d'une maladie à méningocoque ?
Pr Cohen : Les IIM sont des maladies relativement rares, elles se chiffrent en centaines de cas par an en France. Mais elles ont deux caractéristiques : la gravité immédiate et l'existence potentielle de séquelles à court, moyen ou plus encore à long terme. D'abord, une maladie à méningocoque, c'est toujours une maladie grave, car les IIM vont bien au-delà des classiques méningites à méningocoque. A côté de ces méningites à méningocoques qui représentent 50 à 60% des infections graves, on trouve le purpura fulminans(15 à 20%) et les formes abdominales atypiques (nouvellement décrites) et d’autres pathologies à méningocoque (15 à 20%) comme la scepticémie à méningocoque sans sepsis, la pneumonie à ménincogoque ou encore des arthrites à méningocoques. Dans ces cas-là, ce sont des enfants si fébriles qu'il faut les hospitaliser et chez lesquels on trouve par hémoculture un méningocoque. On les traite avant l'aggravation vers la méningite ou le fulminans. En France, une infection à méningocoque est prise en charge dans 100% des cas à l'hôpital. Outre la gravité, avec un taux de mortalité avoisinnant les 10% chez l'enfant, il peut y avoir des séquelles immédiates (complications neurologiques, amputations d'un membre ou zones de nécrose). Elles sont modestes en nombre mais beaucoup d'enfants feront un passage en réanimation. On insiste de plus en plus sur les conséquences à long terme d'un passage en réa sur les plans psychologique et développemental des enfants. Aujourd'hui on estime que le poids des IIM est bien plus lourd que la seule mortalité ou la seule appréciation des séquelles immédiates.
Ce sont des arguments en faveurs de la vaccination...
Pr Cohen : Tout à fait. La question, c'est « est-ce qu'il est souhaitable d'être hospitalisé ou de passer en réanimation ? ». La réponse est non. Il me paraît fondamental de ne plus apprécier l'importance d'un vaccin au seul nombre de morts causés par la maladie. Prenez le rotavirus, dont la vaccination va être prochainement recommandée, le poids en termes de mortalité est très faible mais ce sont des dizaines de milliers d'hospitalisations et des centaines de milliers de passage aux urgences. Sur ce dernier point, je suis persuadé que les vaccinations et les mesures anti-infectieuses permettraient de réduire à la fois les passages aux urgences et les hospitalisations. Dans les pays, comme le Québec ou l'Angleterre, qui doivent faire face aux mêmes soucis que nous en termes d'urgences, de disponibilité de pédiatres et de médecins généralistes, il y a, grâce à des calendriers vaccinaux extensifs, une cohérence de la politique de vaccination avec le système de santé.
Enfin pour revenir aux IIM, ce sont des maladies graves urgentes et difficiles à diagnostiquer. Or le pronostic est grandement lié à la précocité du diagnostic et du traitement, laquelle peut être compromise par la situation actuelle des urgences.
Le Pr Cohen a déclaré des liens d’intérêts vis-à-vis des laboratoires GSK, MSD, Pfizer, Sanofi disponibles sur le site Infovac-France.fr
Cet article a été écrit par Marine Cygler et initialement publié sur Medscape.
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