Infection bactérienne sévère : les enfants pâtissent-ils des délais avant initiation de l’antibiothérapie ?

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • D’après une analyse secondaire d’une large étude prospective pédiatrique française, un intervalle médical important, défini comme le délai entre la première consultation médicale pour infection bactérienne sévère et l’administration d’une antibiothérapie appropriée, n’est pas associé à la mortalité ou à la morbidité [1].

  • Une première consultation à l'hôpital était associée à un intervalle médical plus court, et une durée prolongée d’intervalle médical était associée à une durée de séjour en unité de soins intensifs supérieure à 7 jours.

  • En cas de suspicion d’infections bactériennes sévères (IBS) communautaires, « une première consultation à l'hôpital pourrait contribuer à réduire le délai d'administration des antibiotiques dans ces situations urgentes et améliorer le pronostic ».

Pourquoi est-ce important ?

Les infections bactériennes sévères communautaires restent une cause majeure de mortalité et de morbidité infantiles malgré les recommandations d’antibiothérapie précoce. En cas de sepsis, les préconisations sont de débuter le traitement dans les 3 heures, voire dans l'heure en cas de choc septique. Cependant, il n’est pas établi si le délai entre les premiers signes de sévérité à domicile et l'administration du traitement joue un rôle dans le pronostic de l’enfant.

Méthodologie

Cette étude est fondée sur l’analyse secondaire des données d'une étude prospective, observationnelle précédente, menée entre août 2009 et janvier 2014 pour évaluer la qualité des soins apportés aux IBS pédiatriques, et dans laquelle tous les services de soins intensifs pédiatriques de l'ouest de la France avaient participé, correspondant à une couverture territoriale où vit 13% de la population pédiatrique nationale. Avaient été inclus tous les enfants de 1 mois à 16 ans admis ou décédés avant l'admission pour IBS. Les parents et les médecins impliqués dans la prise en charge avaient été interrogés pendant l’hospitalisation. Dans cette analyse, le délai d'administration des antibiotiques a été évalué, à partir du temps écoulé entre les premiers signes de l’IBS par les parents ou un médecin ambulatoire, et l'administration d'antibiotiques appropriés. Le délai d'administration des antibiotiques a lui été subdivisé entre l'intervalle patient, entre les premiers signes d’infection et la première consultation médicale, et l'intervalle médical, entre cette première consultation et l'administration des antibiotiques appropriés.

Principaux résultats

Au total, 227 enfants ont été inclus (âge médian 2,1 ans) dont 22,9% avaient au moins une comorbidité (anomalie génétique ou congénitale, prématurité, asthme et/ou antécédents d’IBS). Les principaux diagnostics étaient la méningite et le purpura fulminans (33,5% et 24,2% des cas). Parmi eux, 22 sont décédés (9,7%) et 21 (9,3%) ont conservé des séquelles graves en sortie d’hospitalisation.

La première consultation a été réalisée dans le service d'urgence dans 51,1% des cas et par un praticien ambulatoire dans 38,9% des cas. Le délai médian total pour l'administration d'antibiotiques était de 10,4 heures, sachant que 2,6 % des patients n’avaient pas reçu d’antibiothérapie appropriée.

Parmi les 161 enfants qui avaient eu les premiers signes d’IBS à domicile, l’intervalle patient médian était de 7 heures et l'intervalle médical médian de 3,3 heures.

Une fois les patients triés en quartiles selon la durée de l’intervalle médical, il est apparu que le risque de mortalité hospitalière des premier (le délai le plus court), quatrième (délai le plus long) ou troisième (intermédiaire) quartiles n’était pas statistiquement différent de celui du deuxième quartile, utilisé comme référence (analyse multivariée). Il en était de même pour les risques de séquelles à la sortie des soins intensifs.

L'analyse multivariée montre également que parmi les patients initialement ambulatoires, l’intervalle patient était d’autant plus court que l’enfant était jeune (HR ajusté 0,95 [0,92-0,99]) ou que le diagnostic était un purpura (HRa 1,8 [1,1-2,8]) ou que l’enfant avait des troubles de la conscience ou des crises d'épilepsie. Enfin, la durée du séjour en soins intensifs (>7 jours) était associée au 4e quartile de l’intervalle médical.

Financement

Cette étude a été financée dans le cadre d’un PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique).