Incongruence de genre, une question identitaire avant d’être sexuelle
- Nathalie Barrès
- Résumé d’article
En janvier 2022, la nouvelle classification internationale des maladies (CIM-11) élaborée en 2019 entrera en vigueur. Les situations trans y sont dépathologisées, le terme de « dysphorie de genre » (transexualisme) n’y apparaît plus. En revanche, une rubrique « Troubles en lien avec la santé sexuelle » intègre plusieurs catégories : incongruence de genre, changement d’anatomie chez la femme, changement d’anatomie chez l’homme.
En France, il y aurait autant de trans ayant déjà eu une opération chirurgicale sur organes génitaux, de trans ne l’ayant pas encore réalisé, que de trans qui ne l’envisagent pas (données d’une enquête menée en 2010).
L’étape chirurgicale n’est plus obligatoire depuis 2016 pour obtenir un changement de sexe au niveau de l’État civil. L’utilisation du terme « transidentité » tend à remplacer peu à peu celui de « transexualité » soulignant bien que la question sexuelle s’intègre dans la question plus vaste de la reconnaissance identitaire. La sexualité des personnes trans doit être mieux prise en compte dans leur parcours médical d’affirmation de genre. Aujourd’hui, le corps médical sous-estime encore la sexualité, les attentes et désirs des personnes trans, appliquant encore trop souvent un modèle binaire du genre.
Méthodologie
Des chercheurs sont partis des critiques et questions développées dans quatre revues récentes de la littérature sur la sexualité et la qualité de vie sexuelle des personnes trans.
Principaux résultats
Une étude sur les femmes trans a mis en évidence qu’avant le traitement de réasignation, globalement « les personnes présentent leur corps et leur vie sexuelle comme relevant du genre qu’elles préfèrent », que certaines « cachent leur pénis ou ne souhaitent avoir de relations sexuelles que dans l’obscurité la plus totale ». « Certaines évitent de pratiquer une pénétration active car cela serait vécu comme une trahison de leur éthos de genre. » D’autres, par peur de perdre le partenaire du fait de l’absence de vagin « pratiquent la pénétration anale réceptive dans une corporéité genrée. » Il semblerait que plus la dysphorie de genre est prégnante, moins les femmes trans souhaiteraient être touchées. Cette étude mentionne des difficultés pour les femmes trans à trouver des partenaires sexuels ou à avoir une vie sexuelle satisfaisante avant l’opération, alors qu’une autre étude rapporte un nombre de partenaires sexuels similaire à celui des hommes cisgenres avant le traitement. D’autres données soulignent que l’incongruence de genre « augmenterait après le coming out et au début du traitement de réassignation pour disparaître progressivement ensuite. »
Ainsi, il n’y aurait pas « une » transidentité mais « des » transidentités qui se construisent de manière complexe et multifactorielle. La majorité des femmes trans ayant fait le choix du traitement chirurgical ne le regrette pas. La santé perçue des femmes trans post-opération serait similaire à celle des femmes cisgenres de la population générale. Les femmes trans doivent cependant s’approprier ce nouveau corps. Leur sentiment d’être désirable est amplifié et signe un passage important qui agit positivement sur leur excitation et désirs sexuels.
Certains auteurs évoquent que cette « (re)découverte de la sexualité » peut être vécue comme une seconde puberté. Elle permettrait aux femmes trans d’avoir une vie sexuelle plus affirmée. En ce sens, les expériences sexuelles post-opératoires contribuent fortement à l’appropriation et à l’érotisation de ce nouveau corps. Le fonctionnement sexuel des femmes trans hétérosexuelles serait similaire à celui des femmes cisgenre sans plainte exprimée. Ce qui n’est pas le cas des femmes trans homosexuelles. Une majorité de femmes trans (85%) évoque avoir des orgasmes post-opération, et la proportion de femmes trans anorgasmique serait équivalente à celle des femmes cisgenres de la population générale. Elles évoquent des orgasmes avec « sensation de vagues » et non « de plaisir bref et intense ». Une femme trans n’aurait pas le même comportement sexuel qu’un homme cisgenre, elles évoquent une moindre fréquence des relations sexuelles et plus d’activité masturbatoire. Une étude montre que 45,5% des femmes trans étaient gynéphiles avant l’opération contre seulement 26,3% après. L’orientation sexuelle des femmes trans semble au fil du temps moins catégorique, plus fluide, pas forcément hétérosexuelle.
Principales limitations
Les femmes trans citées en référence dans les articles sont pour la plupart engagées dans un traitement hormonal ou chirurgical. Or, ce n’est pas représentatif de la globalité de la population trans.
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