Impact de la victimisation dans l'enfance sur les motivations et difficultés sexuelles des jeunes adultes

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Une enquête conduite auprès de jeunes adultes décrit leurs motivations sexuelles selon l’existence d’une victimisation dans l’enfance, et de troubles de l’attachement : ceux qui avaient un attachement anxieux étaient plus susceptibles d’avoir une motivation sexuelle fondée sur l’approbation du partenaire et étaient plus susceptibles d’avoir des difficultés d’ordre sexuel. Ceux qui avaient un attachement évitant étaient, eux, moins susceptibles d’avoir une motivation sexuelle fondée sur le plaisir et ils étaient aussi plus susceptibles d’avoir des difficultés sexuelles plus importantes. Un effet significatif des violences dont certains ont été victimes au cours de leur enfance était observé sur la nature des motivations à avoir des relations sexuelles.

  • D'un point de vue clinique, il est important « de prendre en compte l'expérience liée aux situations d’insécurité d’attachement et à la victimisation lors de l'évaluation et de la prise en charge des problèmes sexuels chez les jeunes adultes » insistent les auteurs.

Pourquoi est-ce important ?

Certaines études évoquent jusqu’à 76%, le nombre de jeunes adultes ayant des difficultés liées à la fonction ou au plaisir sexuel (dysfonction érectile, douleur, manque de plaisir, incapacité à atteindre l’orgasme…). Les données de la littérature sur le sujet suggèrent que ces difficultés pourraient avoir un lien avec les motivations sexuelles, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles la personne s’engage dans une relation sexuelle. Pour exemple, ceux qui ont eu des troubles de l’attachement lors de l’enfance doutent de leur valeur personnelle, ce qui les rend à la fois dépendants de l'approbation des autres et ce qui génère également une peur excessive de l'abandon ou du rejet. Aussi ces personnes sont souvent en recherche de réassurance, et expriment des demandes excessives d'attention vis-à-vis de leur partenaire. Ceci pourrait constituer un élément déterminant dans la motivation sexuelle. Une étude conduite auprès de canadiens francophones s’est penchée sur le sujet.

Méthodologie

L’étude a été relayée par l'intermédiaire des réseaux sociaux, des associations ou établissements d’enseignements recevant cette classe d’âge, dans des espaces publics et des organisations LGBTQ. Les participants devaient être âgés de 18 à 25 ans, comprendre le français et avoir eu au moins un partenaire durant les six derniers mois. Plusieurs évaluations ont été conduites : les motivations sexuelles ont été mesurées via le score SMS (Sexual Motives Scale) fondé sur la fréquence à laquelle les participants avaient des rapports sexuels pour chacune des raisons présentées (plaisir, affirmation de soi, adaptation…). L’existence et la nature des difficultés sexuelles ont été évaluées via l'échelle Arizona Sexual Experiences Scale (ASEX) permettant de coter la libido, l'excitation, la lubrification vaginale/l'érection, la capacité à atteindre l'orgasme et le niveau de satisfaction de l'orgasme. Enfin, la victimisation interpersonnelle au cours de l’enfance a été mesurée via le Childhood Cumulative Trauma Questionnaire (CCTQ), qui mesure sept formes de trauma subi avant l'âge de 18 ans (violence physique, psychologique, sexuelle, négligence émotionnelle...).

Principaux résultats

Au total, 437 jeunes adultes de 18 à 25 ans ont été recrutés dont 75,7% de femmes et 19,0% d’hommes. Parmi eux 43,7% déclaraient cohabiter avec un(e) partenaire, 37,3% avaient une relation, 3,4% étaient mariés et 8,7% étaient polyamoureux ou dans une relation amoureuse non exclusive. L’orientation était principalement hétérosexuelle (60,0%), puis principalement bisexuelle (10,8%), pansexuelle (10,7%) ou homosexuelle (6,9%). La plupart avaient fait des études supérieures.

Les difficultés sexuelles étaient peu nombreuses dans l’ensemble de la population recrutée, que ce soit parmi ceux qui avaient un score de victimisation élevé ou faible. Il est possible qu’étant jeunes adultes, les participants aient moins d’expérience et donc moins de capacité à savoir ce qu’ils devraient ou ne devraient pas ressentir, a fortiori ceux qui avaient un score élevé de victimisation.

Quel que soit ce dernier, avoir un attachement anxieux était associé au fait d’avoir des motivations sexuelles reposant sur l'affirmation de soi, l'adaptation, et l'approbation du partenaire. Elles seraient donc plus susceptibles de s'engager dans des rapports sexuels pour limiter les sentiments de tristesse, de stress, ou pour éviter le rejet ou les conflits avec le/la partenaire.

Quel que soit leur profil, les personnes qui déclaraient avoir des relations sexuelles dans la recherche d'intimité ou de plaisir avaient tendance à déclarer avoir moins de difficultés sur le plan sexuel (désir, excitation, érection/lubrification, douleur, orgasme).

Ceux qui avaient des scores bas de victimisation déclarés avaient plus souvent des relations sexuelles pour minimiser leurs sentiments négatifs (tristesse, stress, solitude), cette attitude étant associée à de plus grandes difficultés perçues de lubrification vaginale ou d’érection. Chez ceux qui avaient les scores les plus hauts, en revanche, un attachement évitant était plus associé à une motivation sexuelle reposant sur l'approbation du partenaire, et était plus souvent lié à une plus grande difficulté sexuelle perçue (libido, excitation, lubrification/érection).