IHU Méditerranée Infection : un rapport accablant

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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L’Institut Hospitalo-Universitaire-Méditerranée-Infection (IUH-MI) présente « des dysfonctionnements graves concernant la qualité de ses activités de recherche et de soins », selon l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et l’IGESR (Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche). Leur rapport commun, publié le 5 septembre 2022, suite à la demande de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministre de la Santé et de la Prévention, corrobore les conclusions de l’ANSM, présenté en avril 2022 et lui aussi très sévère.

Il formule plusieurs recommandations dont les ministres demandent aux dirigeants de l’Institut et de ses institutions fondatrices de tenir compte dans leur intégralité. Dans le cas contraire, le financement de l’IHU-IM par l’Etat serait compromis. De plus, les ministres ont saisi le Procureur de la République de Marseille, « plusieurs éléments contenus dans le rapport étant susceptibles de constituer des délits ou des manquements graves à la réglementation en matière de santé ou de recherche. »

Une organisation centralisée autour du directeur

Ce qui frappe à la lecture du rapport de l’IGAS est le fonctionnement extrêmement centralisé de l’IHU autour du Pr Raoult et de son équipe dirigeante. « Au total, la gouvernance est quasi totalement construite par affinité avec le directeur, ce qui contrevient totalement à l’esprit et à la lettre des textes et permet de fait la concentration de l’essentiel du pouvoir sur une personne unique. » « L’organisation au quotidien est extrêmement poussée, programmée et suivie, donnant à voir une action très maîtrisée et, eu égard aux personnes y participant, très contrainte et contrôlée », ce qui aboutit à « une très faible place laissée à la contradiction et au débat soulignée par de très nombreux acteurs de tous niveaux » et à « une forte censure sur chacun, qui porte un préjudice considérable à la qualité de la recherche et à l’exercice des activités médicales qui y ont cours. » Le rapport va jusqu’à parler d’une « logique de soumission que certains ont consentie et qui pour d’autres, est contrainte. » Le management est « souvent brutal, parfois humiliant » et s’il n’est pas toujours à l’origine d’un mal-être au travail, du moins il le favorise.

Une course à la publication

 Sur le plan scientifique, le rapport note « une stratégie de course à la publication », ayant plusieurs limites : par rapport aux autres IHU, une part plus importante d’articles dans des revues mal classées et moins importante dans les revues bien classées ; un éloignement des instituts de recherche fondamentale ; une pression sur les chercheurs pour avoir des résultats, avec de jeunes chercheurs « disant édulcorer volontairement les résultats et les données, ou supprimer des choses qui ne marchent pas, pour ne pas subir de pression. »

Sur le plan médical, l’IHU a élaboré ses propres protocoles, dont certains sont en contradiction avec ceux des sociétés savantes nationales et internationales, présentées comme « une entrave à l’agilité de la recherche ». Certains ont recours à des molécules anciennes, ayant une AMM dans une autre indication que celle visée, pour ne pas se lier à l’industrie pharmaceutique ! Les critiques, validées par la Société française de pathologie infectieuse, portent notamment sur la prise en charge de la tuberculose et du COVID-19. Le rapport note de « grands écarts » dans la protection des données personnelles et du consentement des patients.

Le tableau n’est évidemment pas noir tout du long, avec notamment un satisfecit mitigé sur l’accueil des étudiants étrangers. Mais les rapporteurs préconisent entre autres un « renouvellement de l’équipe managériale ». Il a débuté avec la nomination du Pr Fournier en remplacement du Pr Raoult, qui part à la retraite cet automne.