Identification d’une origine auto-immune de fibrillation atriale

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Dans cette étude, les profils d’auto-anticorps identifiés par puces à peptides montrent que contrairement aux sujets sains, les patients atteints de fibrillation atriale (FA) d’origine non déterminée possèdent des anticorps dirigés contre les canaux potassium rectifiant entrant Kir3.4 spécifiquement exprimés dans l’oreillette,.
  • Les sujets sans FA à l’inclusion, mais ayant développé une FA au cours des 52 semaines de suivi, possèdent également ces anticorps avant même la déclaration de la maladie.
  • Des expérimentations in vitro (mesures électrophysiologiques sur cardiomyocytes atriaux) et in vivo sur modèle animal produisant ces anticorps indiquent que ces derniers réduisent la période réfractaire de ces canaux et favorisent la survenue de FA.
  • Les auteurs soulignent que le repérage de ce type de FA pourrait ouvrir à des traitements radicalement différents des traitements classiques.

Pourquoi est-ce important ?

La fibrillation atriale est la cause la plus fréquente d’arythmie. Elle peut se développer en présence de facteurs de risque cardiovasculaires (obésité, hypertension, diabète…) ou être liée à des lésions structurelles cardiaques ou valvulaires. Mais l’étiologie reste indéterminée dans 3% des cas et des éléments émergents de la littérature suggèrent l’implication possible d’auto-anticorps dirigés contre des canaux potassiques et calciques cardiaques. Une équipe suisse a donc recherché et identifié une signature auto-immune de FA.

Méthodologie

Une puce à peptides exposant les séquences peptidiques extracellulaires des différents canaux ioniques cardiaques a été utilisée pour rechercher les auto-anticorps.

Les images des puces des patients avec une FA inexpliquée préexistante ou incidente, découverte au cours du suivi ont été comparées à celles de patients contrôles.

Les propriétés électrophysiologiques des auto-anticorps identifiés étaient ensuite testées in vitro par la technique de patch clamp sur des cellules atriales en culture (mesure des différences de potentiel et courants entre intérieur et extérieur d’une cellule). Les propriétés arythmogènes de ces anticorps étaient ensuite confirmées in vivo dans un modèle expérimental d’auto-immunité développé chez la souris.

Principaux résultats

Dans cette étude, 37 patients souffrant de FA de cause indéterminée à l’inclusion ont été appariés à 37 sujets contrôles sains (groupe FA, 54% d’hommes, âge moyen 69,8 ans). Au cours du suivi de 52 semaines, 14 patients sans FA à l’inclusion ont développé une FA non expliquée (groupe pré-FA, âge moyen de 67,5 ans).

Des auto-anticorps ont été détectés dans les 3 groupes, avec une réponse plus importante dans le groupe FA par rapport au groupe pré-FA et contrôle.

Des anticorps dirigés contre le canal potassique rectifiant entrant Kir3.4 ont été identifiés dans le groupe FA et dans le groupe pré-FA. Ces canaux activés font partie de la famille des GIRK (G protein-activated inwardly rectifying K+ channel) et sont activés via le récepteur muscarinique à l’acétylcholine .

Dans le groupe FA, 16,2% des sujets avaient des anticorps anti- Kir3.4 vs aucun dans le groupe contrôle. Une forte réactivité à ces anticorps a également été détectée dans le groupe pré-FA (35,7% des sujets).

Les mesures électrophysiologiques en patch clamp, réalisées sur des cardiomyocytes atriaux, après stimulation des récepteurs muscariniques à l’acétylcholine, ont montré que les anticorps anti-Kir3.4 purifiés à partir d’échantillons plasmatiques des patients du groupe FA raccourcissaient la durée des potentiels d’action d’environ un tiers par rapport aux cellules contrôles et multipliaient par 2 le courant lié à ces canaux.

Les mesures réalisées in vivo chez des souris immunisées contre Kir3.4 ont montré que les anticorps anti- Kir3.4 réduisaient de façon significative la période réfractaire atriale et qu’ils facilitaient l’induction d’une FA par stimulation du rythme cardiaque, par rapport à des souris séronégatives pour ces mêmes anticorps (risque multiplié par 2,8).