Hypothyroïdie infraclinique : quels risques encoure le sujet âgé ?

  • Biondi B & al.
  • Lancet Diabetes Endocrinol

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon une revue de la littérature récente menée sur le sujet, les données suggèrent l'existence d'associations entre hypothyroïdie subclinique et événements cardiovasculaires incidents uniquement dans certains sous-groupes de patients présentant une TSH de 7,0-9,9 mIU/L ou supérieure à 10 mIU/L.  Aucun sur-risque lié à l’hypothyroïdie infraclinique et aucun bénéfice thérapeutique de la lévothyroxine n’est observé concernant la santé musculo-squelettique ou cognitive.

Pourquoi est-ce important?

L'hypothyroïdie frustre ou infraclinique, se définit par un taux de TSH supérieur à la fourchette de référence (0,45 à 4,5 mUI/L) associé à un taux normal de thyroxine libre (T4l). Cependant, chez le sujet âgé de 65 ans et plus, il est souvent difficile de distinguer une hypothyroïdie infraclinique d’un vieillissement normal de l’organe. Ceci conduit à des recommandations ou des pratiques cliniques hétérogènes : faut-il ou non traiter ? Les bénéfices et risques liés au traitement ou à l’absence de traitement par lévothyroxine doivent être mis en perspective. Aussi, The Lancet publie une revue de la littérature récente sur le sujet.

Quelles preuves disponibles ?

L’ hypothyroïdie frustre des patients âgés pose des difficultés de repérage et de diagnostic. Dans l’étude randomisée TRUST qui avait évalué le bénéfice d’un traitement en cas de TSH limite, la plupart des sujets n’avaient initialement pas de symptômes ; ceux qui en présentaient de discrets ne voyaient pas d’amélioration significative sous traitement. La lévothyroxine ne permettait pas d’améliorer le score de fatigue ou de qualité de vie des patients après 1 an. Une étude comparable (IEMO) a conclu à des observations similaires chez des patients de plus de 80 ans.

Des méta-analyses ont été conduites sur plusieurs aspects cliniques : elles n’ont pas montré d’association entre hypothyroïdie infraclinique et troubles cognitifs, déclin cognitif ou présence d’une démence. D’autres ont conclu que le traitement par lévothyroxine ne permettait pas de modifier les performances cognitives ou la fréquence des troubles dépressifs. Sur le plan musculo-squelettique, aucune modification du risque fracturaire n’existe chez les sujets âgés concernés, et aucune amélioration ne semble exister grâce au traitement par lévothyroxine.

Le risque d’insuffisance cardiaque (IC) est bien documenté pour les patients ayant un taux de TSH supérieur à 10 mUI/L. Selon les données des méta-analyses ayant évalué le sujet, il existe bien un sur-risque de décès par IC lorsque les patients ont un taux et supérieur à 7 mUI/L et une IC pré-existante, mais les quelques études ayant évalué l’intérêt de la lévothyroxine dans ce contexte ne montrent pas d’amélioration significative. Par ailleurs, les données semblent suggérer que le risque d’évènements coronariens serait plus élevé lorsque la TSH est de 7 à 10mUI/L, sans que sa prise en charge ne permette d’améliorer les paramètres de l’atteinte vasculaire (épaisseur de l’intima-média carotidienne, athérosclérose). D’ailleurs, les données de registre du Danemark ne montrent aucun avantage ou risque significatif liés à la lévothyroxine en termes de mortalité toutes causes confondues, d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs ou d’admissions pour cause cardiaque. Aucune association n’a été identifiée concernant les AVC.

Parallèlement, le dépistage de l’hypothyroïdie infraclinique conduirait à un surtraitement par lévothyroxine, pour 13 à 28% des sujets âgés selon les études. Différents travaux d’analyse de la pharmacovigilance évoquent des risques fréquents de thyrotoxicose iatrogène liée au traitement par lévothyroxine des sujets âgés en situation d’hypothyroïdie infraclinique. Or, cette situation peut favoriser une fibrillation atriale, la mortalité cardiovasculaire et des fractures.