Hyperventilation spontanée : un mauvais pronostic pour le traumatisé crânien
- Esnault P & al.
- Neurocrit Care
- Caroline Guignot
- Résumé d’article
À retenir
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L’hyperventilation spontanée est un phénomène qui concerne plus de deux tiers des traumatisés crâniens sévères selon une analyse monocentrique toulonnaise. Elle apparaît associée à un moins bon pronostic neurologique à 6 mois, en comparaison des patients au profil clinique comparable mais ne présentant pas d’hyperventilation. Même si dans ce travail, les patients présentant une hyperventilation spontanée semblent plus sévèrement atteints, cette manifestation respitatoire reste un élément prédictif déterminant après ajustement sur les autres paramètres. Cette observation pourrait découler de l’hypoxie cérébrale induite par l’hypocapnie associée.
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L’étude étant monocentrique et rétrospective, il est nécessaire d’en confirmer les conclusions et d’évaluer si une prise en charge adaptée et efficace de l’hyperventilation permet d’en réduire les conséquences à moyen terme.
Pourquoi cette étude a-t-elle été menée ?
Plusieurs études ont décrit que l’hyperventilation intentionnelle mise en œuvre pour réduire l’hypertension intracrânienne suivant un traumatisme crânien récent peut induire une hypocapnie et, en conséquence un mauvais pronostic neurologique. C’est la raison pour laquelle il est recommandé de ne pas prolonger cette hyperventilation plus de 24 heures. Mais certains traumatisés crâniens présentent une hyperventilation spontanée. Les données concernant leur pronostic sont peu nombreuses. Cette étude apporte quelques éléments pour mieux appréhender leurs spécificités.
Méthodologie
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Cette étude monocentrique, menée dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital militaire Sainte-Anne de Toulon a été menée en incluant tous les sujets adultes intubés et sous ventilation mécanique présentant un traumatisme crânien sévère (score de Glasgow (GCS) ≤8 après la réanimation initiale) et étant toujours dans le coma après l’arrêt de la sédation. L’hyperventilation spontanée (HVS) était définie par la présence au cours d’une analyse des gaz du sang d’une PaCO2 <35 mmHg et d’un pH>7,45 et l’HVS sévère par des taux de PaCO2 <30 mmHg et d’un pH>7,50.
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Le critère d’évaluation principal était la valeur du score sur l’échelle de devenir de Glasgow (Glasgow Outcome Scale ou GOS) à 6 mois, en distinguant les sujets à pronostic favorable (GOS 1=bonne récupération ou 2=handicap modéré) et ceux ayant un score défavorable (GOS 3= handicap grave à 5=décès).
Principaux résultats
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Un total de 110 patients a été pris en compte pour cette analyse : il s’agissait d’hommes dans 77% des cas, avec un âge médian de 38 ans et un score GCS médian de 6. Parmi eux, 69,1% (n=76) présentaient une HVS, qui s’était installée en moyenne 3 jours suivant la fin de la sédation pour 95% d’entre eux, et à un délai médian de 11 jours après la survenue du trauma.
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Les sujets présentant une HVS présentaient initialement un score GCS médian plus sombre que les autres (6 vs 8, p=0,006), une anomalie du réflexe pupillaire (46,1% vs 14,2%, p=0,002), et un score médian AIS (Abbreviated Injury Scale) des lésions de la tête supérieur (5 vs 4, p=0,016). Ils avaient aussi plus souvent présenté un épisode d’hypertension intracrânienne avant le retrait de la sédation (52,6% vs 23,5%, p = 0,005).
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Après 6 mois, un pronostic neurologique défavorable était plus souvent retrouvé chez les patients atteints d’HVS que chez les autres (52,6% vs 17,6%, p = 0,0006).
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Selon l’analyse univariée, le risque d’avoir un pronostic neurologique défavorable était cinq fois plus élevé chez les patients présentant une HVS (OR 5,2 [1,9-14]), et était également accru chez les plus de 65 ans, ceux présentant un score GCS <6, des troubles du réflexe pupillaire, une sévérité élevée des lésions au CT-scan cérébral (classification de Marshall ≥ 3) ou une hypernatrémie.
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L’analyse ajustée multivariée confirme que l’HVS est un facteur indépendant associé à un pronostic neurologique défavorable (OR 4,1 [1,2–14,4]).
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Enfin, les sujets présentant une HVS apparaissaient comme présentant une morbidité, des durées de sédation, de ventilation mécanique et de durée de séjour significativement plus élevées que les sujets sans HVS, sans différence en termes de mortalité durant le séjour.
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