Hyperconnexion : comprendre les mécanismes addictifs en jeu (1/2)
- Nathalie Barrès
- Résumé d’article
Un article publié dans la revue Anesthésie et réanimation a tenté de faire quelques passerelles entre l’impact de l’hyperconnexion et l’exercice professionnel d’acteurs du soin exerçant en anesthésie. Une opportunité de réfléchir sur le sujet en invitant à la déconnexion durant les congés. Apparu il y a moins de 15 ans, le smartphone et les réseaux sociaux ont profondément modifié nos vies personnelles et professionnelles. Annulant parfois la frontière entre les deux.
Vécus initialement comme révolutionnaires, internet et les outils connectés bénéficient d’une image extrêmement positive dans notre société contemporaine. Cette survalorisation attenue d’autant plus les alertes émises par les chercheurs qui travaillent sur l’impact de l’hyperconnexion sur nos processus comportementaux, ainsi que par les Autorités de santé publique.
Déficit de l’attention, dépendance et risques psychosociaux sont des termes qui reviennent lorsque l’on parle des risques liés à l’hyperconnexion.
S’il n’existe pas de définition consensuelle de l’hyperconnexion, l’une d’elle, publiée dans Psychological Science, pourrait nous permettre d’avancer dans la réflexion : « Le trop-plein et la saturation d’informations, de sollicitations, d’interactions et d’interruptions, dans les connexions digitales ou numériques. » Une définition quantitative qui pourrait être compléter par la notion « d’incapacité à se déconnecter ».
Où se joue le problème dans les schémas cognitifs ?
L’explication des mécanismes en jeu qui font passer un individu de la connexion, c’est-à-dire d’un usage non abusif des outils connectés, à un usage abusif appelé hyperconnexion pourrait en partie passer par la stimulation des circuits de la récompense. Ces derniers sont notamment à la base de nos comportements motivés.
Ces circuits de renforcement positif libèrent de la dopamine et se mettent en place face à certains comportements alimentaires, sociaux, sexuels. Cette libération incite l’individu à réitérer l’expérience et/ou le comportement en question pour bénéficier à nouveau de la récompense (réponse à un mail, commentaires sur les réseaux sociaux, « like », « follower »... Les interactions sociales positives sont particulièrement propices à une libération importante de dopamine pouvant aller jusqu’à l’addiction.
Quelles sont les conséquences de cette hyperconnexion ?
L’hyperconnexion dans le cadre du travail favorise une situation ambiguë entre « sentiment d’existence professionnelle » et « sentiment d’obligation à répondre ». Certaines données indiquent qu’elle serait pourvoyeuse d’hypersollicitations, qui peuvent favoriser le stress et le risque de burn out. Plusieurs études ont mis en évidence une association positive forte entre la surconsommation, la dépendance au smartphone et la dépression. En revanche, il n’y a pas d’association entre la possession d’un smartphone et la dépression. C’est donc bien l’usage qui est fait qui est en jeu, et notamment la perte de la maîtrise de soi sous le stress induit. Le DSM-5 a été révisé pour intégrer la notion « d’addictions sans substances » à laquelle cette situation pourrait faire référence.
Le soutien familial s’est révélé être un facteur fort de protection à la dépendance aux smartphones.
Les réseaux sociaux ont largement contribué à une gestion stratégique des relations sociales, par une exposition travaillée de l’image de soi, de ses réussites sociales. Ces « vitrines sociales » favorisent le stress et un sentiment d’injustice chez certains individus qui estiment que les autres sont forcément plus heureux qu’eux. L’individu en sur-utilisant ses outils cherche à compenser ces déficits émotionnels, sans se rendre compte de la mise en place d’un processus de dépendance. La surconsommation des smarthphones pose notamment le problème de la concentration. L’être humain n’est pas multitâches, c’est-à-dire qu’il ne peut pas utiliser en même temps le même système de neurones. Il existe des systèmes de « vasques communicantes entre attention (hyperconnexion) et distraction (hypoconnexion) ». Ce qui explique qu’un individu hyperconnecté sur son smartphone se déconnecte de son environnement. Une étude a montré que le temps moyen de concentration est passé de 3 minutes en 2004 à 45 secondes aujourd’hui…
L’hyperconnexion favoriserait la diminution de l’attention, la diminution des capacités de mémorisation, l’esprit critique et la créativité.
Un prochain article s’intéressera à l’importance de la déconnexion pour être plus efficace.
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