Hausse des soins psychiatriques sans consentement en France


  • Caroline Guignot
  • Résumé d’articles
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En psychiatrie, les soins sans consentement peuvent être déclenchés lorsqu’une personne présente des troubles mentaux, est dans l’impossibilité de consentir aux soins et nécessite une prise en charge et une surveillance médicale constante ou régulière. La loi qui les encadre a été révisée le 5 juillet 2011. Elle maintient le devoir d’information des personnes concernées et leur association dans la prise de décision, et introduit de nouvelles mesures : le contrôle systématique du juge des libertés sur la décision, la possibilité de sortie de longue durée avec mise en place d’un programme de soins et l’admission en « soins pour péril imminent » (absence de tiers mobilisable face à une atteinte grave ou imminente pour la santé et/ou la vie de la personne). Des chercheurs de l’Irdes (Institut de Recherche et Documentation en Économie de la santé) ont souhaité évaluer l’évolution du recours aux soins sans consentement depuis 2012, date à laquelle un premier bilan avait déjà été dressé.

Méthodologie

Les auteurs ont utilisé le Recueil d’informations médicalisé en psychiatrie (Rim-P), émanant de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), afin d’exploiter toutes les données relatives aux personnes prises en charge dans les établissements de psychiatrie publics ou privés depuis 2007.

Résultats

  • En 2015, 1,7 millions de personnes de 16 ans ou plus ont été prises en charge en soins psychiatriques, dont 92.000 (soit 5,4% de la file active totale) l’ont été sans consentement. Ces derniers étaient plus souvent des hommes (60 vs 47%) et étaient plus jeunes (43 vs 47 ans en moyenne) que les autres.

  • Parmi les trois modalités de déclenchement des soins sans consentement, le nombre de cas de soins pour péril imminent a augmenté de 8.542 en 2012 à 19.518 en 2015. Les deux autres modalités (sur décision du représentant de l’État ou à la demande d’un tiers) sont restés stables. Les séjours de soins pour péril imminent étaient en moyenne plus courts que les séjours à la demande d’un tiers, 27% durant moins de 3 jours (vs 23%). Dans 63% des cas, ils avaient été initiés en service d’urgence.

  • Parmi les 92.000 personnes concernées, 31% (29.000) avaient déjà fait l’objet d’une même procédure l’année précédente, dont 11.000 en programmes de soins, et 52.000 d’entre elles ne l’avaient pas été dans les trois années précédentes.

  • Les personnes recevant des soins sans consentement apparaissaient globalement plus sévèrement atteintes que le reste de la file active en psychiatrie, puisque les diagnostics faisant le plus fréquemment l’objet de soins sans consentement étaient les troubles schizophréniques ou psychotiques, les troubles bipolaires et les troubles de la personnalité (11%, 11% et 8% respectivement).

  • Les sujets traités sans consentement représentaient 24% des personnes hospitalisées à plein temps en psychiatrie contre 21% en 2012.

  • En moyenne, sur le territoire national, deux patients en soins sans consentement sur dix ont fait l’objet d’une procédure pour péril imminent en 2015. Ce chiffre variait entre moins d’un patient sur dix et plus de quatre sur dix dans d’autres (dont l’Ariège, l’Ardèche, la Creuse, le Lot, l’Eure, la Savoie, la Drôme ou le Bas-Rhin). Par ailleurs, 40 des établissements publics de psychiatrie n’ont déclaré aucun patient en soins pour péril imminent en 2015, tandis que 40 autres avaient accueillis plus de 35% des patients concernés à l’échelle nationale.

Limites

L’information sur le programme de soins n’était pas indiquée comme telle par un indicateur, mais était déduite de la présence d’actes ambulatoires et de séquences de prise en charge non libre.

À retenir

En 2015, le nombre de personnes soignées en psychiatrie sans consentement était en hausse par rapport à 2012 (+15% vs +5% pour l’ensemble de la file active). Le développement des programmes de soins, qui peuvent s’étendre sur de longues périodes de temps, explique en partie cette observation. Par ailleurs, le recours aux soins pour péril imminent serait aussi impliqué : sa fréquence accrue s’expliquerait par la simplification de la procédure d’admission qu’offre cette nouvelle disposition face à un contexte d’urgence. En revanche, la disparité observée au niveau territorial comme au niveau des établissements pose des questions concernant l’homogénéité des pratiques ou des modes d’organisation au niveau national. Dans leur discussion, les auteurs se demandent dans quelle mesure cette disposition facilite l’accès aux soins dans des situations complexes ou d’urgence ou peut porter atteinte à la liberté des personnes par la simplification des procédures d’admission.