Grossesse : l’automesure tensionnelle améliore-t-elle le pronostic des femmes à risque ?

  • Tucker KL & al.
  • JAMA

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon un essai randomisé britannique, l'automesure tensionnelle (AMT) régulière au cours de la grossesse chez les femmes à risque d’hypertension ou de prééclampsie ne permet pas de réduire le délai de diagnostic d’une HTA clinique par un médecin en comparaison avec un suivi rapproché conventionnel. En effet, le pronostic pour la mère et les paramètres néonataux mesurés étaient comparables entre les deux groupes.

  • L’essai étant conduit de façon pragmatique et les critères d'inclusion étant suffisamment larges pour avoir recruté une population globalement représentative de l’ensemble des femmes enceintes (hormis une petite surreprésentation de celles ayant un niveau d'éducation élevé), les résultats de cette étude peuvent probablement être rapprochés de ceux qui pourraient être attendus en condition de vie réelle.

  • Cette étude complète celle visant à évaluer l'intérêt de l'AMT chez les femmes enceintes diagnostiquées pour une HTA (BUMP 2).

Pourquoi est-ce important ?

La prééclampsie constitue un risque important pour le pronostic maternel et néonatal. On préconise une surveillance plus fréquente des femmes enceintes qui sont à risque de prééclampsie au cours de leur grossesse, mais il existe un risque de complications entre les visites planifiées. Aussi, il est intéressant d’évaluer par une étude randomisée si l'AMT offre la possibilité d’améliorer le pronostic en permettant de repérer les complications ou l’aggravation de la tension artérielle de façon précoce par rapport au suivi rapproché conventionnel proposé aux femmes.

Méthodologie

Cette étude a été menée chez des femmes enceintes de 18 ans ou plus, entre 16 et 24 semaines de grossesse et qui avaient un surrisque de prééclampsie (40 ans, antécédents familiaux ou personnels de prééclampsie ou d'hypertension gestationnelle, indice de masse corporelle 30...). Elles ont été randomisées entre l’utilisation de l’AMT et un suivi conventionnel. Dans le premier groupe, les femmes devaient surveiller leur tension artérielle trois fois par semaine jusqu'à l'accouchement (2 mesures à chaque fois) et entrer les résultats dans une application. Cette dernière recommandait immédiatement aux participantes de contacter la maternité si des valeurs 140/90 mmHg étaient observées. Dans le second groupe, au moins sept visites étaient planifiées au cours desquelles la PA était systématiquement mesurée. Le critère d’évaluation principal était fondé sur la différence de délai de repérage d’une HTA clinique (diagnostic posé par un professionnel de santé), l’idée sous-jacente étant de favoriser la consultation médicale anticipée à bon escient.

Principaux résultats

Au total, 2.441 femmes ont été randomisées entre les deux groupes (âge moyen 33 ans, 20 semaines de grossesse en moyenne à l’inclusion, 39% avaient au moins un enfant, 49% avaient 1 facteur de risque majeur ou 2 facteurs de risque modérés de prééclampsie). La tension artérielle enregistrée avant la randomisation était en moyenne de 114/69 mmHg.

Au cours du suivi, un diagnostic d’HTA clinique a été posé pour 15,5% des participantes randomisées, dont 4% avaient une prééclampsie, sans différence entre les deux groupes (15,3% vs 15,7% dans les groupes AMT et soins habituels respectivement, NS). Aucune différence n’a été non plus observée concernant l'incidence de l’HTA sévère ou de la prééclampsie. Le délai jusqu'au diagnostic d’HTA clinique était de 104,3 jours et 106,2 jours dans les groupes AMT et soins habituels, respectivement (différence moyenne -1,6 j [-8,1 à 4,9], p=0,64).

Aucune différence n’a été observée dans les différentes analyses en sous-groupes (âge gestationnel, parité, niveau d’éducation, niveau socioéconomique…). Le taux de complications maternelles graves (respectivement 1,2% et 1,6%), le taux de femmes ayant déclenché spontanément le travail (41% vs 42%), l’existence d’un petit poids de naissance pour l'âge gestationnel (<10ème percentile, 8,3% vs 7,0%, NS) ou la durée de grossesse médiane à l'accouchement (39 semaines) étaient statistiquement équivalents dans les groupes AMT et soins usuels respectivement. Il n’a pas été possible de comparer le taux de mortinaissance et de décès néonataux précoces étant donné le faible nombre d’évènements.