Faux pass sanitaires : la réponse des autorités s'organise

  • Jean-Bernard Gervais

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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Les faux pass sanitaires se multiplient avec, parfois, des conséquences dramatiques. Alors que 400 enquêtes seraient en cours pour identifier les fournisseurs de documents frauduleux, avec la complicité parfois de professionnels de santé, Olivier Véran a dit réfléchir à un dispositif qui permettrait d’amnistier tous les patients détenteurs d’un faux pass sanitaire, qui en ferait l’aveu.

 

Avec la complicité de vrais médecins ou de vraies infirmières 

Le chiffre n’a rien d’anodin : 110.000 faux pass sanitaires circuleraient actuellement en France selon les informations données par l’entourage du ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin. En tout, ce sont une centaine d'interpellation qui ont été prononcées, et 400 enquêtes seraient en cours, toujours selon le ministère de l’Intérieur. Le problème des faux pass sanitaires, c'est qu’ils ont souvent été délivrés « en complicité avec de vrais médecins ou de vraies infirmières », a expliqué le ministre, ce qui rend la fraude « très difficile à prouver ». Quoi qu'il en soit, médecins ou pas, les peines encourues relèvent du pénal. Pour rappel l'utilisation, l'établissement et la vente de faux pass sanitaires, notamment via les réseaux sociaux, est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende au maximum, tel que le stipule la loi de gestion de la crise sanitaire.

 

Lourdes peines

Il est loin le temps où le président honoraire de la Fédération des médecins de France (FMF) Jean-Paul Hamon affirmait d'avoir établi de « faux pass sanitaires » sans encourir les foudres de la justice [En fait, des pass réalisés pour des personnes éligibles mais qui ne pouvaient les télécharger pour des raisons de systèmes informatiques défaillants, et assumés leur auteur pour entrainer une réaction des autorités face à ce type de problèmes (voir article France Info, NDLR].

Aujourd’hui, de nombreux fraudeurs, médecins ou pas, écopent de lourdes peines pour avoir produit de faux pass sanitaires. Ce 14 décembre, un médecin retraité à Aurillac (Cantal) a écopé de six mois de sursis, 40.000 euros d'amende et d'une interdiction d'exercer la médecine pendant cinq ans. L'Agence régionale de santé l’avait signalé en juillet 2021 auprès de la justice, alors même qu'il exerçait les fonctions de médecin coordonnateur dans l'Ehpad de Vic-sur-Cère. Ce médecin retraité a reconnu les faits, qu’il a justifié par le fait que le vaccin peut être plus nocif que la Covid car « les effets secondaires tuent plus que la Covid ». Il était aussi soupçonné d’avoir injecté de l’eau de vaccin pour lutter contre la Covid-19. Ainsi que d’avoir falsifié un test PCR.

Dans le Val-de-Marne, un autre médecin, intéressé par l'appât du gain, a été placé en détention provisoire fin novembre dernier. Il revendait de faux pass sanitaires 1.000 euros pièce. Dans son cabinet situé à Joinville (Val-de-Marne), les enquêteurs ont mis la main non seulement sur de faux pass sanitaires mais aussi sur des tests PCR factices. Les enquêteurs le soupçonnent par ailleurs de fraude auprès de la Sécurité sociale.

 

Lourdes conséquences

Si les conséquences de l’émission de faux pass sanitaires sont lourdes pour les fraudeurs, celles de la détention d'un faux pass sanitaire peuvent parfois être dramatiques. Comme dans le cas de cette femme de 57 ans, décédée du Covid à l'hôpital de Garches en région parisienne (Hauts-de-Seine) le week-end dernier. Détentrice d'un faux pass sanitaire, elle avait assuré aux services de l'hôpital qu'elle était doublement vaccinée et avait donc été prise en charge selon le protocole des personnes vaccinées. Non vaccinée, la prise en charge qu'on lui a prescrite a été inefficace et son état s'est très vite détériorée, jusqu'à son décès. Si les médecins avaient su que la patiente n’était pas vaccinée contre le Covid-19, ils auraient pu « précocement lui administrer des anticorps neutralisants, dont on sait qu’ils sont efficaces pour réduire le risque de progression de la maladie », a assuré le Pr Djilali Annane, chef du service, au Parisien.

À Nice, où cette femme avait acheté son faux pass sanitaire, la fraude serait monnaie courante. Selon Carole Ichai, cheffe du service de réanimation au CHU de Nice, 30% des patients en réanimation en raison du Covid-19 ont utilisés des documents falsifiés.

 

Un droit au remords ? 

Aussi, pour faire en sorte que les patients admis en réanimation détenteurs de faux pass sanitaires puissent le déclarer sans craindre d’écoper d’une amende ou de soins inadaptés, Olivier Véran a évoqué la notion de droit au remord dans ce cas précis. Auditionné par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, le ministre de la santé a enjoint les détenteurs d'un faux pass sanitaire à le déclarer en cas de prise en charge hospitalière, pour bénéficier de soins adéquats : « Pour les Français qui disposent de faux pass, l'urgence est sanitaire. Je veux que nous puissions travailler à un dispositif qui permettrait un système de repenti c'est-à-dire que quelqu'un qui bénéficierait d'un faux document puisse se mettre en règle et qu'il y ait abandon de poursuite ». Reste que cette volonté d'amnistie n'a pas été suivie de la publication d'une loi ou d'un décret en la matière. Donc, sauf nouveau texte législatif qui légaliserait cette amnistie, les détenteurs de faux pass sanitaires restent pour le moment des justiciables comme les autres...

Cet article a été écrit par Jean-Bernard Gervais et a initialement été publié sur le site internet Medscape.