Faut-il revoir la balance bénéfice/risque de la transplantation de microbiote fécal ?
- DeFilipp Z & al.
- N Engl J Med
- Agnès Lara
- Résumé d’article
À retenir
- Deux cas de bactériémie impliquant des bactéries Gram- productrices de bêta-lactamases à spectre élargi (BLSE) ont été rapportés chez des patients à haut risque inclus dans des essais cliniques suite à une transplantation de microbiote fécal (TMF) : l’un concernait un homme de 69 ans souffrant d’une encéphalopathie hépatique réfractaire, l’autre un homme ayant reçu une transplantation de moelle osseuse dans le cadre du traitement d’un syndrome myélodysplasique.
- Un des patients a pu être stabilisé sous carbapénème, mais l’autre est décédé. Et les souches issues de leurs échantillons sanguins qui ont été analysées au niveau génomique ont été admises comme provenant d’un même donneur.
- Des souches productrices de BLSE ont été détectées chez une forte proportion de patients ayant reçu une TMF à partir de ce même donneur. Ces résultats incitent à réévaluer la balance bénéfice/risque des TMF et à améliorer la détection de germes résistants chez les donneurs de façon à limiter les risques de transmission.
La transplantation de microbiote fécal est un traitement émergent des infections récidivantes ou réfractaires à Clostridium difficile, dont les essais ont démontré l’efficacité et l’innocuité. Si bien qu’elle est aujourd’hui envisagée dans de nombreuses autres pathologies impliquant une dysbiose intestinale, y compris chez des sujets immunodéprimés. Quatre cas de bactériémie à Gram négatif ont toutefois été rapportés chez des patients ayant bénéficié d’une TMF, l’un d’entre eux ayant abouti à un décès. Le New England Journal of Medicine publie en octobre 2019, deux cas de bactériémie à Escherichia coli productrice de BLSE suite à une TMF et survenus dans deux essais cliniques différents conduits avec un protocole de préparation des gélules de TMF pourtant rigoureux.
Un homme de 69 ans atteint d’une cirrhose du foie, en lien avec une infection au VHC
Ce patient avait été enrôlé dans un essai en ouvert qui visait à évaluer la TMF dans les encéphalopathies hépatiques réfractaires. Il a développé une fièvre et une toux au 17ejour suivant la TMF, avec détection d’un infiltrat pulmonaire et présence de bactéries gram négatives dans les prélèvements. Il a alors reçu un traitement par lévofloxacine. Mais le patient n’a pas été amélioré et il est revenu consulter 2 jours plus tard. Il a alors été hospitalisé avec un traitement par pipéracilline/tazobactam et l’analyse des fluides d’ascite a mis en évidence un Escherichia coli producteur de BLSE. L’antibiotique a alors été remplacé par un carbapénème (méropénème) pour une durée de 14 jours, suivi par un traitement par ertapénème en ambulatoire. Son état s’est stabilisé. La recherche de bactéries productrices de BLSE dans ses selles tout au long du suivi s’est révélée négative.
Un homme de 73 ans traité pour un syndrome myélodysplasique
Ce deuxième patient avait été hospitalisé pour une allogreffe de moelle avec donneur HLA-non compatible. Il était sous traitement immunosuppresseur (cyclophosphamide puis sirolimus et mycophenolate mofetil) pour prévenir une maladie du greffon contre l’hôte. Il avait été enrôlé dans un essai de phase 2 pour recevoir une TMF avant et après la greffe. Cinq jours après la greffe et 8 jours après la dernière dose de TMF, il a développé une fièvre, des frissons, avec un état mental altéré. Un traitement par cefepime pour neutropénie fébrile a rapidement été mis en place, mais le patient a dû être placé en soins intensifs avec une hypoxie et des difficultés respiratoires. L’antibiotique a été remplacé par un carbapénème suite à la détection d’E. coli producteurs de BLSE dans les échantillons sanguins prélevés. Mais le patient est décédé dans les deux jours.
Des E. coli résistants provenant du même donneur
Dans les deux cas, les gélules de matières fécales utilisées pour la TMF provenaient du même donneur. Et il a été découvert par la suite que les 3 lots de gélules produites à partir de ce donneur contenaient des souches d'E. coli productrices de BLSE avec un profil de résistance similaire à celui retrouvé dans les échantillons sanguins des deux patients, alors que les échantillons de selles prélevés avant TMF étaient indemnes de ces bactéries. Même si les souches identifiées dans les échantillons sanguins n’étaient pas strictement identiques, l’analyse des SNP (single-nucleotide polymorphism) a montré une forte proximité génomique et il a été admis qu’elles provenaient bien du même donneur. Les autres patients de ces deux essais ayant reçu une FMT avec les gélules issues du même donneur ont été recherchés, ainsi que la présence de souches productrices de BLSE dans leurs selles. Celles-ci ont pu être retrouvées chez 4 patients transplantés sur 7 dans le premier essai et 5 sur 12 dans le deuxième. Des taux jugés élevés par les auteurs et qu’ils attribuent à la TMF. Les essais cliniques ont été stoppés et une alerte a été émise par la FDA.
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